Dans les starting-blocks

Galvanisés par les prochaines législatives prévues pour le début de 2008, les partis se préparent déjà à livrer bataille. Avec, dans la ligne de mire, la succession du président Lansana Conté.

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Prévues pour se tenir d’ici au début de l’année 2008, les législatives risquent de bousculer la donne politique guinéenne. Véritable test de popularité des forces en présence, ces consultations devraient être les premières élections transparentes depuis l’ouverture démocratique du début des années 1990. Le chef du « gouvernement de consensus », Lansana Kouyaté, a déjà fait savoir qu’il s’occupera de l’organisation matérielle des élections tout en laissant aux acteurs politiques le soin de définir les règles de la compétition. Recevant à plusieurs reprises les partis de la mouvance présidentielle et ceux de l’opposition, le Premier ministre s’est contenté de faciliter leurs discussions. Longtemps hostile à la création d’une commission électorale nationale indépendante (Ceni), le chef de l’État, Lansana Conté, a finalement consenti à ce que celle-ci voie le jour. Mais pour l’heure, le chef du gouvernement attend toujours que l’opposition lui communique la liste de ses représentants censés intégrer la structure
Pour que les résultats des prochaines législatives ne puissent pas être contestés, le gouvernement doit également assurer la révision des listes électorales, le redécoupage des circonscriptions, l’impression de registres et des cartes d’électeur, l’acquisition du matériel des bureaux de vote (isoloir, encre indélébile, etc.) Un travail titanesque pour un État doté d’une administration peu opérationnelle et d’une trésorerie exsangue, privée de l’apport des partenaires extérieurs.
En réalité, le pays a besoin de temps et d’argent. Les bailleurs de fonds l’ont bien compris, qui considèrent la période annoncée pour la tenue des élections (fin 2007-début 2008) comme une simple base de travail. Principaux contributeurs au processus, au regard des montants qu’ils ont promis de débourser, l’Union européenne et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ne sont pas hostiles à un report. Ils estiment que l’organisation des prochaines législatives nécessite une préparation sérieuse qui doit offrir toutes les garanties de fiabilité. Malgré ces quelques incertitudes concernant la date, les états-majors politiques commencent à mobiliser leurs troupes. Les partis traditionnels, les formations en gestation censées voir le jour avant le scrutin ainsi que les associations citoyennes qui comptent présenter des listes se préparent à entrer en lice.

Recomposition politique, combinaisons d’appareils, renouvellements d’alliances Les mois à venir promettent bien des surprises dans un pays où la vie politique a été marquée pendant plus d’une décennie par l’hégémonie de la formation présidentielle, le Parti de l’unité et du progrès (PUP). Et tout porte à croire qu’au lendemain des élections, si toutefois elles sont transparentes, la nouvelle Assemblée reflétera davantage la sociologie politique du pays que la Chambre sortante. De nouvelles têtes, parmi lesquelles des personnalités restées jusqu’ici à l’écart de la politique, devraient émerger.
D’aucuns citent déjà le nom de l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla, qui a mis la main sur ce qui reste du parti au pouvoir. Imposé par le chef de l’État au poste de président d’honneur du PUP pour qu’il puisse veiller à son bon fonctionnement, Sylla nourrit le vu secret de remporter la majorité des sièges de députés pour pouvoir s’installer au perchoir. Dans un contexte de fin de règne marqué par une impitoyable lutte de succession, cette place de dauphin constitutionnel est particulièrement convoitée. Selon de nombreux observateurs, Youssouf Diallo, directeur de l’entreprise maritime Transmar, aurait également des ambitions politiques. Révélé au grand public depuis qu’il se dispute, avec Sylla, la présidence du Conseil national du patronat guinéen (CNPG), ce manager discret, formé en France pourrait tirer profit de sa popularité nouvellement acquise.
Créera-t-il un parti politique ? S’alignera-t-il aux côtés de son groupe ethnique décidé à prendre le pouvoir pour ne plus avoir à le subir ? Les Peuls (35 % de la population), qui n’ont jamais eu un des leurs à la tête de l’État, se disent prêts à se lancer dans la course. L’importante mobilisation des jeunes issus de cette ethnie lors des manifestations populaires de janvier et février 2007 n’y est pas pour rien. Prenant subitement conscience de leur force, hommes d’affaires, hauts fonctionnaires, syndicalistes et cadres de la diaspora s’attellent discrètement à la mise en place d’une incontournable formation peule que pourrait diriger Cellou Dalein Diallo, un homme du sérail.
Plusieurs fois ministre de 1996 à 2004, Premier ministre de novembre 2004 à avril 2006, Diallo s’est départi de sa prudence légendaire en s’affranchissant de la famille politique de son ex-mentor, Lansana Conté. Après avoir obtenu le soutien du plus vieil opposant, Mamadou Bhoye Bâ, et du jeune loup aux dents longues, Bah Oury, il tente d’élargir son spectre à l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) en mal de leader charismatique depuis la disparition de Siradiou Diallo, le 14 mars 2004.

la suite après cette publicité

Cette « union sacrée » ne dilue pas pour autant tous les courants politiques de la Moyenne Guinée, région traditionnellement divisée. Après Almamy Barry, ancien agent de la Banque africaine de développement (BAD), qui a annoncé la création d’un parti, d’autres novices en politique prévoient de faire leur entrée dans l’arène. Tel Bocar Baila Ly, 52 ans, Toucouleur pur jus et descendant d’Elhadj Oumar Tall, fondateur de la ville mythique du tidjanisme, Dinguiraye. Ex-patron de Friguia, la principale société minière de la Guinée, ce diplômé de Harvard vit depuis 2000 au Sénégal, où il a dirigé Atepa Technologies, le groupe d’ingénierie financière et immobilière du célèbre architecte Pierre Goudiaby.
L’arrivée de ces nouvelles personnalités ne semble toutefois pas faire peur aux dirigeants de l’opposition classique. L’ancien Premier ministre Sidya Touré, tête de file de l’Union des forces républicaines (UFR), l’une des formations politiques les plus en vue, est bien décidé à mettre toutes les chances de son côté. Le 26 mai dernier, il a créé l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (Anad), coalition d’une dizaine de partis dont certains débauchés de la mouvance présidentielle. L’Anad se veut une réponse à la Coalition des forces vives pour le changement (CFVC) mise en place en avril 2007 et emmenée par le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du principal opposant, Alpha Condé.
Les alliances qui se tissent en vue de la succession du président Conté deviennent de jour en jour plus complexes. Arrivé le 26 février dernier à la primature, Lansana Kouyaté, dont on ignore tout des intentions, constitue de facto l’inconnue de ces prochains mois. Celui qui a la haute main sur le gouvernement et sur l’administration territoriale, dont il a choisi tous les membres, bénéficie de nombreux atouts. Pas un jour ne passe sans qu’un « club de soutien » ne soit créé dans le pays. Officiellement, pour soutenir son action de Premier ministre

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires