Comment sortir du coma

Après plusieurs années de morosité, le gouvernement de consensus compte sur le retour des bailleurs de fonds pour remettre le pays sur les rails.

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

La descente aux enfers est-elle terminée ? Après plusieurs années de mauvaise gouvernance qui ont mis à mal l’économie et détérioré les conditions de vie de la population, les signes d’amélioration se multiplient en Guinée. Les partenaires au développement, qui avaient cessé toute coopération avec le pays depuis 2002, se sont dits prêts à renouer contact avec Conakry. En août, le chef du gouvernement, Lansana Kouyaté, a signé avec la Banque pour l’investissement et le développement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (BIDC) une convention portant sur la fourniture de cent bus, qui devrait régler les problèmes de mobilité à Conakry, et sur le financement de l’électrification de toutes les capitales régionales du pays.
Le retour des institutions financières internationales fait suite au satisfecit décerné par le Fonds monétaire international (FMI) à la politique menée par le gouvernement de consensus mis en place le 28 mars. Le 18 juillet, au terme d’un séjour dans le pays d’une équipe du FMI, Jean Le Dem, chef de la délégation, s’est félicité de « la relance de l’économie guinéenne. Le pays est sur la bonne voie, a-t-il indiqué. Les politiques de stabilisation entreprises depuis trois mois sont efficaces. Rien ne pourrait désormais s’opposer à la mise en place d’un programme formel entre la Guinée et le FMI, dont les représentants respectifs devraient se réunir en septembre autour de plusieurs questions, notamment celle de la reprise du programme suspendu en 2002 ».
Le pays vient de loin. Nul n’aurait pu affirmer, il y a encore quelques mois, que la Guinée deviendrait de nouveau fréquentable aux yeux de la communauté financière internationale. Entre 2003 et 2006, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) a chuté à moins de 1 %, contre 4 % au cours des années 1990. L’inflation a atteint 39 % en 2006, entraînant une importante chute du pouvoir d’achat de la population. À la veille des grèves générales de janvier et février derniers, le prix du sac de riz, l’aliment de base, de 50 kg se vendait 115 000 francs guinéens (environ 21 euros), plus que le salaire moyen dans le pays.
N’ayant pu atteindre le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), la Guinée supporte le fardeau d’une dette extérieure représentant 100 % de son PIB, et dont le service absorbe à lui seul près du quart de ses ressources budgétaires. Au 31 décembre 2006, le cumul des arriérés de paiement au titre du service de la dette atteignait 60 millions de dollars, auxquels s’ajoutent de considérables arriérés intérieurs. Plus de la moitié de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté en 2006 (contre 49,2 % en 2002). La dégradation des services sociaux de base (éducation, santé, accès à l’eau potable et à l’électricité, etc.) s’est accentuée. À la fin de 2006, la Banque centrale ne disposait plus de réserves de change. Celles-ci équivalaient à trois mois d’importations à la fin 1999.
Héritier de ce lourd passif, le gouvernement de Lansana Kouyaté a souhaité s’attaquer à l’érosion du pouvoir d’achat. Ousmane Doré, ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, a annoncé « la fin des exonérations fantaisistes qui ont contribué à affaiblir la monnaie nationale et provoqué l’inflation ». Des audits des services publics, ainsi que des établissements, programmes et projets publics, ont été lancés le 2 juillet afin de détecter les actes de mauvaise gestion commis au cours de ces dernières années. Parallèlement, une commission indépendante chargée d’examiner le statut, le fonctionnement, les politiques monétaires et de change de la Banque centrale a été mise sur pied.
L’effet conjugué de ces mesures et du retour de la confiance ne s’est pas fait attendre : de 39 % à la fin de 2006, l’inflation a chuté à 18 % à la mi-2007. Signe du raffermissement de la monnaie de ce pays, majoritairement musulman, le coût du pèlerinage à La Mecque, qui s’élevait à 17 millions de francs guinéens l’année dernière, a baissé à 12 millions cette année.
Pour remettre le pays sur les rails, le gouvernement ne s’est pas contenté de lutter contre l’inflation. À l’issue d’un séminaire qu’il a tenu du 24 au 27 mai, à Bel-Air, une station balnéaire située à 250 km de Conakry, il a jeté les bases d’une planification de l’action publique en adoptant un « programme minimum d’urgence pour le second semestre de 2007 » et un « plan d’action pour la période 2007-2010 ». Dans chacun de ces documents figurent en bonne place la restauration des équilibres macroéconomiques en vue de renouer avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux ; la mobilisation des ressources nécessaires au financement des infrastructures et des services sociaux de base (eau, électricité, santé, transports) ; le plein-emploi de la jeunesse et la promotion de la bonne gouvernance.
Pour obtenir le financement de ces deux programmes, Lansana Kouyaté a effectué au cours des deux premières semaines de juin une mission qui l’a conduit aux États-Unis, en France et à Bruxelles. Une tournée qui a porté ses fruits. Le 5 juin, le directeur général du FMI, Rodrigo de Rato, a décidé d’accorder à la Guinée l’accès à la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) dont les modalités ont été discutées à Conakry, le 4 juillet. L’institution internationale s’est également engagée à dépêcher en Guinée des missions d’assistance technique concernant la fiscalité, la révision des conventions minières, la gestion des dépenses publiques et le renforcement des capacités de la Banque centrale.
Quant à la Banque mondiale, elle a annoncé vouloir accorder à l’État guinéen une enveloppe additionnelle de 35 millions de dollars, au titre des crédits destinés au financement des actions de développement. Afin de réunir les fonds nécessaires au financement du « programme minimum d’urgence » et du « plan d’action » triennal, la Banque mondiale a également organisé, les 24 et 25 juillet, dans ses locaux parisiens, un « Forum des partenaires de la Guinée ». Les résultats ont été à la hauteur des attentes. Les bailleurs de fonds présents se sont engagés à débloquer 50 millions de dollars supplémentaires, tout en soulignant qu’ils étaient prêts à réinjecter plus de 40 millions de dollars dans les projets engagés. Les promesses de financement pour la mise en uvre du programme 2007-2010 dépassent aujourd’hui les 400 millions de dollars. Voilà pour l’annonce. Reste la concrétisation, que le ministre des Finances, Ousmane Doré, met un point d’honneur à accélérer. Il n’a d’ailleurs d’autre choix que d’agir vite. Dans un pays où la population n’hésite plus à descendre dans la rue pour manifester sa colère envers la mauvaise gouvernance, tout devient urgent.

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