Celui qui fait parler le djembé
Illustre ambassadeur de la culture de son pays, Mamady Keita est considéré comme l’un des plus grands percussionnistes au monde.
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« Au village, on m’appelle Nankama, ce qui veut dire né pour ça en malinké. » À Balandugu, en Haute-Guinée, tous les habitants sont fiers du brillant parcours de Mamady Keita, 57 ans, considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs joueurs de djembé au monde. Fiers, mais pas surpris. Parce que c’est en pays mandingue, entre la ville de Kankan en Haute-Guinée et la capitale malienne Bamako, qu’est né le djembé, percussion qui a franchi les portes de l’Afrique de l’Ouest dans les années 1950 grâce aux tournées des Ballets africains de Guinée, dirigés par le grand Fodéba Keita. Mais, surtout, parce que c’était le destin de l’enfant du pays.
« Mon histoire était écrite avant ma naissance, confie Mamady Keita. Je suis né djembéfola [littéralement, celui qui fait parler le djembé, NDLR]. Quand ma mère était enceinte, elle est allée voir un devin pour savoir quels sacrifices elle devait faire. Le médium a regardé dans les pierres et lui a dit : Tu portes un enfant très spécial, un garçon qui va venir au monde avec une mission. Il sera très grand. Plus grand que notre village, plus grand que notre région : je le vois plus grand que notre pays. »
Nourrisson, Mamady Keita bat le rythme sur tout ce qui lui tombe dans les mains. Ses parents lui offrent alors un djembé. Keita n’a que 2 ans. « La rencontre avec l’instrument fut extraordinaire », se souvient le percussionniste, qui, très vite, se révèle être un véritable virtuose. Dans sa famille, pourtant, personne ne joue de djembé, cette percussion étant d’ordinaire réservée aux forgerons. Dès l’âge de 5 ans, le petit se fait remarquer en jouant les rythmes traditionnels. Sensibles à ce qu’ils considèrent comme un don, ses parents le confient deux ans plus tard au djembéfola Karinkadjian Condé, qui l’initiera pendant trois ans aux secrets de l’instrument. C’est le début d’une grande carrière.
À 12 ans, Mamady participe, quasiment de force, au festival national La Quinzaine artistique, organisé à Siguiri, en Haute-Guinée. « Je ne voulais pas y aller, car je ne connaissais personne. Mais à l’époque du président Ahmed Sékou Touré, il était impossible de refuser. Ils m’ont mis dans un camion et on est partis la nuit. Ce fut mon premier exil. » De Siguiri, le jeune homme gagnera ensuite la capitale Conakry, où il sera sélectionné, parmi cinq cents artistes, pour fonder le Ballet national Djoliba. Dès 1965, les premières tournées mondiales commencent, le président Sékou Touré souhaitant faire de cette formation musicale une vitrine prestigieuse de son pays alors plongée dans un régime totalitaire.
Ce n’est qu’en 1986 que Mamady décide de quitter le Ballet national pour voler de ses propres ailes. Deux ans auparavant, la IIe République a été proclamée : il est désormais possible aux artistes d’obtenir un passeport, une liberté dont ils étaient privés sous l’ancien régime. Le musicien rejoint alors le Ballet Kotéba de Souleymane Koli à Abidjan, avant de gagner Bruxelles où il créera, en 1991, sa première école de percussions, baptisée Tam Tam Mandingue.
Depuis Mamady Keita s’est fait connaître au-delà des frontières guinéennes. Il a fait quinze fois le tour du monde, a ouvert une dizaine d’établissements labellisés Tam Tam Mandingue, a enregistré dix albums, a participé à quatre films dont Djembéfola, du réalisateur français Laurent Chevallier Le devin de Balandugu avait vu juste. Mamady Keita est grand. Très grand.
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