Une sale petite guerre

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Rétablir l’ordre et construire la paix en République centrafricaine s’apparente à un travail de Sisyphe. En procédant, le 5 juillet, au limogeage pour « indiscipline » et « manque de courage » de sept officiers supérieurs – dont le patron de l’armée et celui de la gendarmerie, tous deux généraux, trois colonels de l’état-major et le chef du renseignement militaire -, le président François Bozizé ne pouvait mieux souligner la gravité de la situation qui prévaut aux frontières avec le Tchad (au Nord) et le Soudan (à l’Est).
Depuis le début de l’année, une sale petite guerre oubliée des médias a pour théâtre cette immense zone de savane parsemée de parcs nationaux à l’abandon. D’un côté, les Forces armées centrafricaines (Faca), appuyées par des éléments du contingent de la Cemac et, un moment, par des hélicoptères français. De l’autre, les rebelles tchadiens du Front uni pour le changement (FUC), soutenus par le Soudan, qui ont fait de cette partie de la Centrafrique une base arrière et un itinéraire de passage vers N’Djamena. Une petite guerre de pauvres, dont les civils font les frais et où chaque camp compte ses supplétifs : éléments tchadiens pro-Déby Itno, côté gouvernemental ; groupes de dissidents centrafricains proches d’Abdoulaye Miskine, ancien warlord d’Ange-Félix Patassé, côté FUC. Mal encadrées, mal armées et mal payées, les Faca ont subi plusieurs revers au cours des dernières semaines et ont été incapables de défendre des localités pillées par les rebelles tchadiens. Des cas de reddition sans combat, d’insubordination voire de désertion ont été signalés. D’où le coup de sang du général-président Bozizé.
Pour nombre d’observateurs à Bangui, cette déstabilisation collatérale de la Centrafrique est une conséquence directe du conflit du Darfour. Les rebelles du FUC étant instrumentalisés par Khartoum, il n’est pas exclu en effet que les autorités soudanaises cherchent à faire sauter le maillon faible centrafricain afin d’ouvrir un front anti-Déby Itno au Sud et de prendre en tenaille le Tchad « utile » et pétrolier.
Le régime Bozizé est-il pour autant directement menacé ? Ce n’est pas sûr. Les accrochages demeurent très localisés, à quelque 800 km au nord de la capitale. Et l’actuel président, contrairement à son prédécesseur, bénéficie du soutien appuyé de ses pairs d’Afrique centrale – très inquiets des velléités soudanaises – et de la France. Surtout, le seul parti d’opposition qui aurait pu profiter, en termes d’alternative politique immédiate, de l’insécurité, traverse une profonde crise.
Depuis la fin juin, en effet, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) s’est de facto scindé en deux : le MLPC « originel » de l’ancien président Patassé, en exil au Togo ; et le MLPC « rénové » de Martin Ziguélé, ex-Premier ministre du précédent et ancien candidat à la présidentielle contre Bozizé. Les factions rivales ne cessent d’échanger invectives, anathèmes et exclusions.
Ziguélé, qui reconnaît avoir « commis un parricide pour que le parti survive », se rendra à Bangui début août (depuis Paris, où il vit). Il prône le « dialogue démocratique » avec le pouvoir et refuse « toute tentative de prise du pouvoir par les armes ». Patassé, lui, est à la fois plus radical et plus ambigu. Dans un message daté du 17 juin, il annonce pour bientôt son « retour triomphal pour rebâtir ensemble la Centrafrique » et s’abstient de prendre ses distances avec les rebelles de son ex-lieutenant Abdoulaye Miskine. Même si la réapparition dans son pays de l’ancien chef de l’État – que l’on dit financièrement exsangue – semble pour l’instant très hypothétique, tout démontre qu’il n’a pas renoncé

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires