Réalités d’Afrique

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Ce serait une erreur de se polariser sur les échecs de l’Afrique sans voir les prodigieuses – quoiqu’inégales – avancées économiques dont elle est le théâtre. Il y a par exemple 150 millions de téléphones portables, et le marché de la téléphonie mobile y connaît la croissance la plus rapide du monde. Plus que des biens de consommation, les portables sont un élément clé du progrès économique du continent. En l’espace de cinq ans environ, ils lui ont permis de surmonter son plus sérieux handicap économique, à savoir la mauvaise qualité des lignes téléphoniques fixes.
Deux autres dimensions de l’Afrique méritent qu’on s’y arrête : ses ressources naturelles et ses relations avec la Chine. Le boom des matières premières a provoqué une croissance concomitante dans les régions du continent les plus riches en ressources naturelles, et c’est la Chine qui a été leur meilleur client. Les dirigeants chinois ont écumé le monde pour garantir leur accès aux matières premières. Ces derniers mois, ils ont mis l’accent sur l’Afrique, où le Premier ministre Wen Jiabao, le président Hu Jintao et le ministre des Affaires étrangères Li Zhaoxing ont à eux trois visité quinze pays. Les accords signés concernent l’exploration pétrolière au large des côtes de l’Angola, des permis de forage pétrolier au Nigeria et des droits de forage au large du Kenya.

Pékin est devenu le premier partenaire économique de l’Afrique, avec un commerce en augmentation de 37 % l’an dernier. Cette envolée devrait se poursuivre dans les années à venir. On serait tenté de dire que les relations de l’Afrique avec l’Occident sont dominées par l’aide, tandis qu’avec la Chine, elles le sont par le commerce. On verra bien lequel des deux, de l’altruisme occidental ou de l’opportunisme chinois, sera le mieux à même d’assurer le progrès économique.
D’une manière générale, les pays généreusement pourvus en ressources naturelles ne prospèrent que s’ils ont des institutions assez solides pour faire prévaloir l’État de droit, faire respecter le droit de propriété et résister à la corruption. Le Canada en est l’illustration. Les pays ayant des institutions anémiques – le Nigeria en serait un bon exemple, malgré des progrès récents – échouent à redistribuer la prospérité ou bien à l’utiliser pour des projets de développement en dehors du secteur des matières premières.
Le point clé ici est que nous persistons à voir les relations extérieures, économiques et politiques de l’Afrique à travers le prisme européen. Sans doute ne saurait-il en aller autrement. Mais notre perception de l’Afrique ne reflète plus la réalité économique et, me semble-t-il, elle en reflétera de moins en moins la réalité politique. Prosaïquement, les pays africains n’ont plus besoin de se tourner vers les grandes compagnies pétrolières occidentales pour trouver des partenaires dans l’exploration pétrolière. Il y a désormais une alternative : le petit nouveau au coin de la rue.

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* Hamish McRae est éditorialiste pour The Independent.

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