Paix des braves

Quarante jours après l’attaque de casernes par des dissidents touaregs, un accord avec le gouvernement a été paraphé, le 3 juillet à Alger.

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

La cérémonie est solennelle. Elle se déroule à la résidence d’État de Djenane el-Mithaq, sur les hauteurs d’Alger. Le général Kafougouna Koné, ministre malien de l’Administration territoriale, Ahmed Ag Bibe, représentant d’Iyad Ag Gali, chef de la rébellion touarègue (baptisée, à l’occasion, Alliance pour la démocratie et le changement – ADC) et le principal médiateur, Abdelkrim Gheraieb, ambassadeur d’Algérie à Bamako, ont fini par s’entendre, le 3 juillet. Sous le regard bienveillant de Mohamed Bedjaoui, chef de la diplomatie algérienne, ils ont paraphé un document, qui met fin à une crise ouverte le 23 mai, avec l’attaque de trois camps militaires à Kidal et à Menaka. Ces coups de feu avaient réveillé les vieux démons de l’irrédentisme touareg. Pour l’éteindre, le gouvernement malien et les rebelles avaient sollicité une médiation de l’Algérie, qui a imposé aux belligérants un certain nombre de conditions (voir J.A. n° 2370).
Les négociations débutent le 23 juin, à Alger. Tout le monde est logé à la résidence de Djenane el-Mithaq. Dans les couloirs, les deux délégations s’éviteront soigneusement pendant les dix jours de pourparlers. Les pourparlers sont indirects et l’ambassadeur Gheraieb fait « la navette ». Vieux routier de la diplomatie, il connaît la musique, même si la partition n’est pas simple.
Les rebelles exigent l’autonomie de leur région ; les autorités de Bamako ne veulent pas en entendre parler. Pas plus que le médiateur. « Hors de question de sortir du cadre de la République du Mali et de sa Constitution », martèle Gheraieb. Les trois premiers jours, les discussions piétinent et l’impasse semble totale. Le facilitateur propose néanmoins un texte. Les rebelles demandent à consulter leur base. Le document est immédiatement faxé au poste frontière de Bordj Badji Mokhtar, entre l’Algérie et le Mali, à quelques petites heures de piste de Tegharar. C’est là que la rébellion a installé son QG, dans les maquis de Kidal. La réaction de l’état-major touareg ne se fait pas attendre : « La seule réponse efficace aux problèmes spécifiques de la région de Kidal est l’autonomie du Nord, avec ses trois régions : Kidal, Gao et Tombouctou. » Pendant ce temps, le général Kafougouna Koné doit lui aussi rendre compte au président Amadou Toumani Touré (ATT), qui a proscrit toute concession aux rebelles. Son homologue Abdelaziz Bouteflika, qui connaît parfaitement les problèmes du septentrion malien pour avoir résidé à Gao durant la guerre de libération, reste également intransigeant sur l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali. C’est à Banjul, où ils se sont retrouvés pour le sommet de l’Union africaine (voir pp. 20-27), que les deux chefs d’État apprennent l’aboutissement des négociations. Averti par ses médiateurs, Bouteflika en informe ATT, au cours d’une rencontre privée.
« C’est la fraternité retrouvée », affirme Mohamed Bedjaoui, à l’issue de la cérémonie de signature des accords, le 3 juillet. Le protocole n’a pas prévu de prise de parole des signataires. Mais le général Koné insiste pour « remercier l’Algérie et dire à mes frères du Nord que les guerres que l’on gagne, ce sont celles que l’on évite ». Pour ne pas être en reste, Ahmed Ag Bibe félicite le pays médiateur pour sa disponibilité et réaffirme que « le Mali ne sera jamais le Congo, la Côte d’Ivoire ou encore la Somalie ». L’acte prévoit des mesures d’apaisement, une amnistie pour ceux qui ont attaqué Kidal et Menaka, ainsi que l’engagement du pouvoir de prendre des dispositions rapides en vue d’améliorer les conditions de vie des communautés qui vivent dans le nord du pays. De leur côté, les rebelles promettent de ne plus revendiquer l’autonomie.
L’accord d’Alger se situe dans le prolongement direct du pacte signé en 1992, à Tamanrasset, entre les mêmes protagonistes et – déjà – sous le parrainage de l’Algérie. Les attaques du 23 mai avaient mis en danger la paix et la stabilité d’une région, qui n’en avait pas besoin.

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