« Classe à part », la fraternité selon Mabrouck Rachedi

Dans son nouveau roman, l’écrivain, collaborateur de JA, organise la rencontre cocasse entre la banlieue parisienne et le Paris des beaux quartiers. Une satire sociale enlevée dont tous les personnages sortent grandis.

Mabrouck Rachedi © Bruno Levy pour JA

Mabrouck Rachedi © Bruno Levy pour JA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 23 juin 2021 Lecture : 3 minutes.

Amel est élève au collège Elsa-Triolet de Saint-Denis, en banlieue parisienne. Rivée à son téléphone, elle est accro au jeu vidéo Let’s Dance et au logiciel de modélisation 3D Home Design. Ses résultats en classe laissent un peu à désirer. Contrairement à ceux de Polycarpe Diallo, son meilleur ami, excellent élève qui rêve de devenir astronaute et navigue déjà dans l’espace, entre les étoiles, avec le logiciels Skymap.

Romancier, collaborateur régulier de Jeune Afrique, Mabrouck Rachedi connaît intimement la jeunesse des banlieues parisiennes, où il anime régulièrement des rencontres et des ateliers d’écriture. Et cela se sent dans son tout nouveau roman, Classe à part, où il met en scène la rencontre explosive entre l’au-delà du périphérique et le Paris des beaux quartiers…

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Incompréhensions

En classe de troisième, tous les élèves français doivent accomplir un stage d’immersion d’une semaine en entreprise. Contrairement à Polycarpe, qui compte faire le sien dans une épicerie de quartier, Amel ne s’est guère souciée d’en dénicher un et, à la veille de la date fatidique, elle n’a rien à proposer. Après avoir caressé un temps l’idée de l’emmener au travail avec elle, son avocate de mère, Salwa, se décide à appeler son frère, Djibril, auquel elle ne parle plus depuis des années pour une mystérieuse raison. Djibril est riche, Djibril est ambitieux, Djibril est marié à une actrice célèbre, Djibril occupe un poste important au sein du cabinet de conseil, BRM Consulting… À contrecoeur, poussé par son épouse, Djibril accepte de recevoir sa nièce chez lui et dans son entreprise.

« Il n’y a que vingt minutes entre les stations de métro Basilique de Saint-Denis et Champs-Élysées – Clémenceau, pourtant des années lumières séparent Salwa de son frère. » Un frère qui, comme le découvre Amel en débarquant chez BRM, se fait appeler Gabriel en lieu et place de Djibril…

On l’aura compris, l’arrivée d’Amel dans le monde de son oncle va donner lieu à un festival d’incompréhensions, de quiproquos, de désaccords plus ou moins cocasses. Comment Amel pourrait-elle s’entendre avec sa cousine Ludivine, enfant gâtée qui joue de la harpe et prépare son premier rallye mondain, calqué sur le modèle du Bal des débutantes ? Comment Djibril-dit-Gabriel pourrait-il intégrer cette nièce fagotée à la mode du 9-3 dans son entreprise surtout habituée aux tailleurs stricts, talons hauts et costumes cravates ?

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Satire sociale

Entre humour et gravité, mais toujours avec poésie et tendresse, l’auteur de Krimo mon frère et de Toutes les couleurs de mon drapeau frôle les frontières de la caricature sans jamais les franchir : à ses personnages, il octroie toujours la liberté d’échapper aux archétypes. Embarqué, le lecteur passe du rire aux larmes au fil des nombreuses péripéties de l’histoire.

Si la satire sociale est au rendez-vous, l’auteur maintient le suspense autour des raisons de la brouille entre Salwa et Djibril et aborde avec délicatesse des sujets graves : la vie des sans-papiers et le drame des migrants, les inégalités sociales et culturelles, les réussites et les échecs de l’intégration « à la française ». Poétique, émouvant, Classe à part est un roman bienveillant, où aucun personnage n’est secondaire et où tous les personnages grandissent dans leur humanité au contact de la différence. Classe à part est, au fond, un roman de la fraternité.

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Classe à part, de Mabrouck Rachedi, L’École des loisirs, 210 pages, 14,50 euros.

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