« Jusqu’à quand, Israël, épandras-tu ton ire ? »*

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

Ceux qui gouvernent Israël ne se comportent pas, vis-à-vis des « territoires », comme les responsables d’un État qui se défend, mais comme une puissance hégémonique, qui ne craint rien ni personne. Une force mue par la volonté déterminée de se venger, se livrant à des attaques incessantes, en représailles au moindre attentat. De par cette volonté de puissance, les forces armées d’Israël se trouvent constamment engagées dans des assauts tous azimuts, disproportionnés aux actes de violence qu’ils sont censés punir. Cette répression, qu’on dit dirigée contre des terroristes, atteint des civils, qui, en aucune manière, ne participent aux combats, et elle tue, pêle-mêle, femmes et enfants.
Cette guerre larvée qu’on fait aux Palestiniens ignore les interdits moraux. Elle est en train, au fil des jours, de se transformer, au su et au vu de la communauté internationale, en une entreprise de persécution systématique, qui nourrit des haines tenaces et suscite de nouvelles ripostes, démentiellement désespérées et absurdes.

Qu’importe ! Le gouvernement israélien est sûr de ses fidèles soutiens, sûr de n’avoir à rendre compte de ses actes à aucune instance internationale. Aussi ne recule-t-il devant aucune forme de représailles. Il bombarde des locaux administratifs. Il opère des rafles parmi les milieux parlementaires. Il met en arrestation des membres du gouvernement.
Saisi, le Conseil de sécurité de l’ONU n’y trouve rien à redire.
Il arrive que ce gouvernement prononce le mot de « paix », pour indiquer que son but ultime est de garantir à son peuple la paix et la sécurité. Mais la paix à laquelle celui-ci aspire – et qui viendra un jour, si les protagonistes retrouvent leurs esprits -, son gouvernement ne semble pas réaliser qu’il faut la préserver des ressentiments légitimes. Il n’imagine pas que ceux qui subissent aujourd’hui, dans leurs chairs et dans leurs âmes, des blessures indélébiles, puissent – eux aussi – ne pas pardonner à ceux qui les martyrisent.
Ce gouvernement – qui croit sans doute que la succession de Sharon lui impose d’en faire toujours plus – oublie que la toute-puissance peut mener à la déraison et que les problèmes politiques ne peuvent être réglés « en insultant l’avenir ». Et l’avenir, comme le ?clamait Victor Hugo, n’est la propriété – encore moins l’otage – ?de personne.

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Mais quel objectif poursuit-il ? Quelle « cible » veut-il atteindre, en se crispant sur une posture dépassée de son maître ? Veut-il faire avorter l’évolution d’un gouvernement qui semble sur le point de rejoindre le consensus laborieusement façonné par l’OLP ? Veut-il empêcher cette mutation historique qui rendrait malaisée la campagne qu’il a entreprise pour imposer, sur le terrain, les contours et les sinuosités d’un ensemble de bantoustans palestiniens ?
Cherche-t-il, dans la même foulée, à radicaliser des masses déjà enflammées, afin de brandir la preuve qu’une paix négociée est impossible ? Ignore-t-il qu’une telle radicalisation aurait inévitablement des contrecoups, jusque dans des pays arabes avec lesquels Israël a signé des traités ? Cherche-t-il, alors, à semer le désordre dans la région, afin de justifier des préventions enracinées, selon lesquelles on ne peut faire confiance aux Arabes – ce que pensait justement Sharon, mais avant sa conversion au réalisme.

Et Washington, croit-il servir la paix – et garantir les vrais intérêts d’Israël – en répétant, en toute circonstance, de manière quasi mécanique, que l’État juif a « le droit de se défendre » ? Ne renonce-t-il pas ainsi à son rôle comme seule puissance capable aujourd’hui de changer le cours des événements au Proche-Orient ?
En tolérant qu’Israël enfreigne la loi internationale et s’obstine à soumettre à sa loi le destin de tout un peuple, Washington oublie-t-il qu’il ne fait que préparer les conflits de demain : partout des soubresauts continus, des révoltes qu’aucune répression ne pourrait juguler, parce que alimentées par l’injustice, mère de tous les fanatismes, et exacerbées par la haine, source absolue d’intolérance.
Est-ce rendre service à Israël que d’épouser tous ses errements ? Est-ce préserver la paix, en faisant les quatre volontés d’un gouvernement, jusqu’au bord du précipice ? Washington, ainsi que tous ceux qui ont le pouvoir de peser sur les événements et à qui incombe le devoir d’imposer la loi des nations, comment peuvent-ils assumer cette lourde responsabilité de leur silence ? Non pas seulement devant l’Histoire – dont ils peuvent se moquer – mais à l’égard de leurs peuples, auxquels ils réservent – ainsi qu’à ceux de la région – des lendemains amers, désenchantés – peut-être même funestes.
Car tout cela ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui croient au choc des civilisations – peut-être même l’appellent-ils de leurs vux – et qui préconisent des mesures de précaution musclées, sans faire de détail, à l’encontre du monde islamique.

Mais, parmi les grandes consciences – et il n’en manque pas dans cette société d’élite – n’y a-t-il pas un quarteron de conjurés pour la paix, qui ont assez de courage et de lucidité pour se lever et dire à tous les leurs – à l’intérieur et dans la diaspora – qu’Israël connaît, aujourd’hui, sur le plan régional, une conjoncture exceptionnellement favorable à une paix réelle, durable et équilibrée ? Qu’il serait déraisonnable de laisser passer ce « momentum » particulièrement faste : une communauté arabe qui adhère à une paix conforme à la légalité onusienne ; une organisation islamiste de poids, en train d’opérer une mutation historique.

Car, il est vrai que faire la sourde oreille à ce concert de voix en faveur de la paix – d’une paix qui seule procurerait la sécurité -, c’est donner des munitions aux mouvements « extrémistes » et à toutes les organisations « terroristes » de la région. Se crisper dans un négativisme stérile, n’est ce pas conforter leur thèse qui consiste à soutenir qu’Israël ne veut pas de la paix et qu’il ne renoncera jamais à son vieux rêve – même si les circonstances l’amènent à lui donner les apparences de « sacrifice douloureux ».

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* Paraphrase d’un vers de Robert Garnier dans Les Juives.

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