Forfaiture

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis quinze longs jours, le successeur d’Ariel Sharon utilise « toute la puissance » de l’armée israélienne contre le peuple palestinien, coupable de ne pas accepter l’occupation de ce qui lui reste comme pays – et d’avoir donné ses voix, démocratiquement, au Hamas.
Le Financial Times rappelle les faits et les situe dans leur contexte : « Ehoud Olmert maintient que son seul objectif est la libération du caporal Gilad Shalit, capturé le 25 juin lors d’un raid mené par des activistes palestiniens contre un poste militaire israélien. Mais il y a une disproportion telle entre la fin et les moyens que tout porte à croire qu’il ne s’agit que d’un prétexte [].
Le raid semble bien avoir été organisé en représailles à l’assassinat par Israël de Jamal Abou Samathana, l’un des leaders du Hamas, et à la mort d’une famille palestinienne lors du bombardement (par la marine israélienne) d’une plage de Gaza, bien que le Hamas observât, depuis dix-sept mois, un cessez-le-feu. »
Il revient aux Israéliens de juger leur nouveau Premier ministre et son gouvernement. Je crois savoir que la majorité d’entre eux (et des Juifs de la diaspora) vivent mal cette équipée qui rappelle au monde celle de Sharon lorsque, en 1982, il partit à l’assaut de Beyrouth.

Et ceux d’en face, les Arabes de la région, que pensent-ils de la manière dont leurs dirigeants se comportent dans cette crise ?
Le plus grand mal, d’après ce que j’entends.
Ils voient Hosni Moubarak d’Égypte et Abdallah II de Jordanie, dont les pays entretiennent des relations diplomatiques avec Israël, accepter sans même un murmure ou un soupir que ce dernier détruise l’infrastructure civile palestinienne (centrale thermique, ministères, université, garderie d’enfants). Moubarak croit même possible de se poser en « intermédiaire » entre le bourreau et la victime dont il se dit le frère, alors que le président de la Suisse, connue pour sa légendaire neutralité, ne peut se retenir, lui, de dire à Israël qu’il se conduit mal et ne respecte pas les conventions de Genève, qui s’imposent à tous.
La Finlande, qui préside l’Union européenne, s’insurge, de son côté, contre « les punitions collectives auxquelles s’adonne le gouvernement israélien contre de larges secteurs de la population palestinienne ».
Du côté des dirigeants arabes, voisins du pays martyrisé : un silence assourdissant, qui confine à la complicité.

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Le troisième protagoniste arabe de cette affaire est le jeune président de la Syrie, Bachar el-Assad. Les dirigeants israéliens et leurs alliés américains l’accusent de complicité avec le Hamas (dont un des chefs, Khaled Mechal, dirige son parti depuis Damas). Alors, le jeune Assad plie l’échine, se tait et attend que l’orage passe
Ainsi apparaissent à leurs peuples en colère les trois dirigeants arabes les plus concernés : des hommes qui tremblent pour leur pouvoir et se gardent de toute initiative.

Leurs prédécesseurs avaient, il est vrai, péché par témérité et aventurisme : ils avaient provoqué Israël mais sans s’être donné les moyens diplomatiques et militaires de lui tenir tête. Ils ont donc perdu toutes les guerres qu’ils lui ont faites, déclenchées par eux ou par lui.
Les dirigeants actuels de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie – et le président de l’Autorité palestinienne qu’ils ont contaminé – sont passés à l’autre extrême : ils donnent l’impression à leurs peuples de n’avoir ni tactique, ni stratégie, ni courage ou même dignité.
Le « courage » excessif de leurs prédécesseurs s’est mué chez eux en lâcheté, comme l’or se mue en plomb.

Le monopole de la résistance a été laissé par eux aux islamistes et aux groupes armés locaux, ainsi qu’à al-Qaïda.
On s’étonnera demain de voir que les peuples arabes rejettent leurs dirigeants, coupables de forfaiture, et donnent leurs voix à ceux qui résistent.
Grâce à Ehoud Olmert et à son allié américain, le Hamas, que tous deux disent combattre et vouloir abattre, sortira de l’épreuve renforcé.
Tandis que Moubarak, Abdallah et Assad en sortiront, de leur côté, plus déconsidérés encore, si cela est possible.

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