Attention fragile !

Pays clés de l’Union, l’Allemagne, la France et l’Italie sont désormais confrontées au même problème : la faiblesse de leur gouvernement.

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

L’Europe ne se limite évidemment pas à trois pays. Toutefois, l’Allemagne, la France et l’Italie jouent un rôle prépondérant : elles génèrent ensemble plus des deux tiers du PIB de la zone euro et près de la moitié du PIB des Vingt-Cinq. En outre, ce trio a dominé l’Union originelle, « l’Europe des Six », et en a été le chantre le plus influent ces cinquante dernières années.
Aujourd’hui, ces trois pays sont confrontés au même problème : la faiblesse de leur gouvernement. La France a pour président un homme discrédité, qui ne se distingue que par son opportunisme et ses erreurs de jugement ; l’Italie est dirigée par une coalition fragile ; l’Allemagne a bien trouvé un chancelier efficace en la personne d’Angela Merkel, mais elle est à la tête d’une large coalition disparate.
Un gouvernement immobiliste n’est pas nécessairement une malédiction pour l’économie. Tant que le secteur privé se porte bien et que la législation lui est favorable, ce peut être même une aubaine. Malheureusement, ce n’est pas le cas des trois « hommes malades » de l’Europe, qui ont besoin plus que jamais de réformes. Le contexte actuel de reprise s’y prête. Malheureusement, il est presque sûr que ces trois pays n’en feront rien. Une passivité que la zone euro tout entière paiera cher à long terme.
Leurs différences sont tout aussi problématiques que leurs points communs. La compétitivité de l’Italie s’est considérablement dégradée alors que celle de l’Allemagne et, dans une moindre mesure, de la France s’est améliorée. En regard de l’Allemagne, dont les exportations ont atteint un niveau exceptionnel, l’Italie et la France font pâle figure. Le chômage des jeunes est relativement bas en Allemagne, alors qu’en France et en Italie plus d’un cinquième des demandeurs d’emploi ont moins de 25 ans. La dette publique italienne représente 107 % du PIB en 2004, contre respectivement 65 % et 66 % du PIB pour l’Allemagne et la France. Enfin, la demande intérieure a été dynamique en France et atone en Italie et en Allemagne.
De ces faiblesses partagées et de ces divergences, on peut tirer trois enseignements : les trois pays doivent impérativement entreprendre de vraies réformes ; certaines leur sont communes, d’autres propres ; si rien n’est fait, c’est la zone euro dans son ensemble qui en pâtira. La réforme est une responsabilité vis-à-vis de ses concitoyens mais aussi des autres membres de la communauté monétaire.
On ne peut pas dire, certes, qu’il n’y ait pas eu de réformes. Seulement, elles étaient totalement inadaptées. On ne peut pas dire non plus que les technocrates sont incapables de relever les défis. Mais ils n’ont pas la volonté politique de les exposer à la population. En France, les citoyens semblent penser qu’ils peuvent et doivent être traités comme des fonctionnaires. Ils attendent une improbable alchimie entre sécurité absolue de l’emploi et prospérité croissante. C’est une erreur de jugement collective, dans un monde qui change rapidement.
Le centralisme administratif et son contrepoids, le soulèvement populaire, ont été deux constantes historiques françaises. Le régionalisme et le clientélisme caractérisent la vie politique italienne. Quant à l’Allemagne, la réunification a rendu le pays plus difficile à gouverner ; sans elle, une grande coalition n’aurait probablement pas vu le jour. Aucun des trois n’a réussi à changer de cap sans provoquer une crise majeure. Actuellement, la France sort progressivement d’une zone de turbulences sans avoir changé d’un iota sa ligne de conduite.
Le monde doit désormais se résoudre à l’idée que les trois pays les plus importants du Vieux Continent sont dirigés par des gouvernements fragiles en butte au mécontentement populaire, et qu’ils pourraient, compte tenu de leur poids, paralyser l’Union européenne tout entière

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