ENI-BP : les prémisses d’une alliance en Afrique ?
Energies renouvelables, réduction des coûts… Les deux géants pétroliers sont amenés à restructurer leur portefeuille sur le continent en Angola d’abord, peut-être bientôt ailleurs.
Les géants pétroliers ENI (Ente Nazionale Idrocaburi) et BP (British Petroleum) ont annoncé le 19 mai être en discussions pour combiner leurs portefeuilles pétroliers, gaziers et de gaz naturel liquéfié (GNL) en Angola.
Si les discussions aboutissent, le partenariat prendra la forme d’une co-entreprise rassemblant leurs intérêts en Angola, deuxième pays producteur d’or noir du continent derrière le Nigéria.
ENI détient 37% du bloc 15/06 qu’il opère et possède des parts dans une demi-douzaine de permis en développement. En 2020, le groupe italien a été désigné « opérateur avec une participation de 60% dans le bloc offshore 28, dans le bassin de Namibe, et obtenu une participation de 42,5% dans le bloc onshore Cabinda Central ». Le groupe italien est également opérateur du New Gas Consortium (NGC), une co-entreprise réunissant les groupes Chevron, ENI, Total, BP et Sonangol autour de la production de gaz naturel en Angola.
BP opère quant à elle sur les blocs 18 et 31 au large de l’Angola, et détient des participations dans les blocs 15, 17, 20 et bientôt 29.
Selon les analystes interrogés par Jeune Afrique, le rapprochement entre ces producteurs européens était prévisible. Face à la fluctuation accrue des prix du pétrole ces dernières années, notamment en 2020 avec la pandémie de Covid-19, les compagnies sont résolument décidés à contrôler davantage leurs opérations.
Pourquoi l’Angola ?
« Ce n’est pas surprenant, ENI et BP sont de gros opérateurs en Angola. Ils sont à la recherche d’une efficience accrue dans leurs opérations, d’une synergie qui permettrait de réduire les coûts », explique le spécialiste de l’or noir Francis Perrin, chercheur associé au Policy Center for the New South.
En effet, en 2020, la compagnie italienne a vu son chiffre d’affaires diminuer de -37%, passant de 70 milliards d’euros en 2019 à 44 milliards en 2020, soit une baisse de près de 26 milliards d’euros. Quant à BP, son chiffre d’affaires est passé de 232 milliards d’euros en 2019 à 151 milliards d’euros en 2020, soit une baisse de 81 milliards (-35%).
Au delà de la réduction des coûts, ces discussions s’inscrivent dans la stratégie des compagnies pétrolières de se tourner vers les énergies vertes. Or, pour investir dans les énergies renouvelables, les compagnies doivent céder certains de leurs actifs.
En raison du coût élevé des projets en eaux profondes en Angola, le pays est un candidat de choix, permettant aux compagnies de réduire leur dette et de financer le passage à une énergie à faible émission de carbone, indique le cabinet d’analyste Rystad Energy.
Par ailleurs, la révision des stratégies de long terme de ces entreprises et de leurs prévisions de prix sur le long terme les ont conduit à revoir à la baisse la valeur de leurs actifs en Angola. Au cours de l’année 2020, « des charges de dépréciation de 316 millions de dollars ont été comptabilisées pour certains actifs en Angola, principalement en raison de changements dans les hypothèses de prix à long terme du groupe », explique BP.
En Angola, ENI a produit 100 000 barils de pétrole par jour (bp/j) en 2020 contre 108 000 barils/jour pour le géant britannique. Ainsi, les deux compagnies ont représenté environ 16% de la production de pétrole en Angola en 2020 – soit 1,3 million de barils/jour au total.
La neutralité carbone en objectif
« Ces groupes ont la volonté de devenir des groupes énergétiques. Ils ne vont pas abandonner leurs activités dans les hydrocarbures, mais ils veulent se tourner vers l’électricité et les énergies renouvelables », affirme Francis Perrin. Commencé il y a quelques années, ce « tournant vert » a été accéléré par la pandémie.
Par ailleurs, d’après Reuters, BP souhaiterait céder ses actifs à ENI en Algérie pour se concentrer sur le renouvelable, mais aucun des deux groupes n’a, à ce jour, confirmé l’information.
De fait, la compagnie britannique a décidé de réduire sa production de pétrole de -40% et de multiplier par dix ses investissements dans les énergies renouvelables, soit près de cinq milliards de dollars par an d’ici 2030.
ENI, pour sa part, s’est donné pour objectif la neutralité carbone d’ici 2050 et d’augmenter la capacité en énergies renouvelables à 60 GW en 2050, contre 1GW actuellement.
Les deux majors sont également présentes en Egypte, en Côte d’Ivoire et en Libye… Les discussions actuelles pourraient donc ouvrir la voie à d’autres partenariats. « On peut s’attendre à ce que d’autres discussions de ce type aient lieu, avec la décarbonisation et la réduction des coûts comme principales motivations », conclut Rystad Energy.
Quid des autres majors ?
TotalEnergies, ExxonMobil… Ce mouvement vers les énergies renouvelables concerne aussi les autres compagnies pétrolières.
En changeant de nom pour TotalEnergies, la compagnie française souhaite devenir « la major de l’énergie responsable ». Le groupe dirigé par Paptric Pouyanné a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et veut investir entre 1,5 et 2 milliards de dollars chaque année dans l’électricité bas carbone. La production de pétrole dans le mix de TotalEnergies passée de 65% en 2005 à 48% en 2019, contre 52% de gaz naturel.
En mai 2021, le géant pétrolier américain ExxonMobil a annoncé son retrait -surprise- du Ghana. Si les raisons de ce départ n’ont pas été révélées, sa décision semble s’inscrire dans la stratégie des compagnies pétrolières de se tourner vers les énergies vertes.
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