Accor à l’africaine

Le groupe hôtelier veut doubler sa présence au sud du Sahara. Dans cet objectif, il mise sur sa marque Ibis et les investisseurs locaux.

Publié le 10 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

« En quatre ans, nous comptons doubler notre réseau au sud du Sahara », annonce Philippe Colleu, directeur Afrique d’Accor, numéro un européen de l’hôtellerie et géant « globalisé » présent dans plus de 140 pays. À l’heure où chacun s’étonne, s’inquiète ou se pâme d’admiration devant l’insatiable appétit de l’empire du Milieu pour l’Afrique, les investissements français sur le continent ne retiennent guère l’attention. Certes, il n’est pas made in China et ne vise pas les matières premières, mais le programme d’Accor n’en est pas moins ambitieux : « Doubler le réseau », passer de 60 établissements (le nombre actuel d’hôtels Accor au sud du Sahara) à près de 120, et de près 10 000 chambres à 15 000.
Le groupe ne part pas de zéro. En effet, depuis ses premiers pas sur le continent – c’était en 1975 au Congo-Brazzaville, avec l’ouverture du Novotel Pointe-Noire -, il s’est implanté dans plus de vingt pays (nord et sud du Sahara compris). Et se cache aujourd’hui derrière six marques : Coralia, Formule 1, Ibis, Mercure, Novotel, Sofitel à chacune son standing. Parmi elles, c’est Ibis – qui, sur le continent, fait partie de la catégorie des trois étoiles qu’Accor a choisi de développer. Objectif : proposer à la clientèle africaine une offre « abordable », explique Philippe Colleu, soit une chambre à 40 000 F CFA (60 euros) la nuit.
Identification de la clientèle, adaptation de l’offre : jusque-là, rien que de très normal. En revanche, l’équation retenue pour le financement – un hôtel Ibis coûte 4 milliards de F CFA – est nouvelle. Accor a opté pour le partenariat. En clair, le groupe s’allie avec un homme d’affaires local, le plus souvent un commerçant ou un industriel, et tous deux apportent, à hauteur de 40 % et 60 % respectivement, la mise de départ. « Nous cherchons un mode de relation avec l’Afrique où chacun trouve son intérêt », insiste Philippe Colleu. Accor chantre de l’hôtellerie équitable ? « Évidemment, notre objectif ultime est et sera toujours de faire du profit, admet-il. Mais, aujourd’hui, il n’est plus possible de créer de la valeur sans se demander dans quelles conditions on la crée », poursuit ce diplômé en sociologie des entreprises – qui a débuté sa carrière dans les bidonvilles de Nouakchott, au service d’une ONG suisse.
La méthode a déjà été éprouvée à Bamako, Cotonou, Dakar, Nouakchott et Accra où, d’ici à 2008, des hôtels Ibis seront ouverts. « Nos partenaires ont une culture internationale. Le dialogue est facile, nous parlons de la même chose. La mise en place du partenariat peut aller vite ; un an, dans certains cas, cela suffit », précise le directeur Afrique d’Accor. « Ils sont le plus souvent quinquagénaires, veulent investir dans le pays et se constituer un patrimoine pour l’avenir », ajoute-t-il.
Le partenariat comporte un volet pédagogique : trois centres de formation, respectivement au Togo, au Sénégal et au Mali, doivent voir le jour. Il est aussi culturel, avec « Talents d’Afrique ». Dans le respect de la philosophie « gagnant-gagnant » et pour la plus grande satisfaction des clients, les hôtels Accor en cours de rénovation et les Ibis à venir porteront la marque de fabrique africaine. Accor veut rompre avec l’atmosphère aseptisée des hôtels internationaux qui, à Kuala Lumpur, Madrid et Santiago du Chili, sont rigoureusement identiques. Des artistes du continent sont en charge de la décoration intérieure, du dessin des uniformes du personnel ou de la vaisselle du restaurant. Dans les haut-parleurs de l’ascenseur, on n’entendra pas Mireille Mathieu, mais plutôt Salif Keïta. « Ce n’est pas anecdotique, c’est un programme, insiste Philippe Colleu. L’art contemporain africain est une richesse qui n’est pas mise en valeur ».
Il est aussi possible que l’africanisation des établissements soit un bon moyen de se démarquer de la concurrence, « vive » d’après lui, pour que, en dépit des avancées sud-africaines, libyennes et espagnoles, Accor reste numéro un sur le continent.

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