Un « speed dating » pour musulmans

Comment rencontrer l’âme soeur quand on est adepte de l’islam en France et que l’on ne dispose que de… sept minutes.

Publié le 11 mai 2004 Lecture : 4 minutes.

Cling ! Habiba, jeune et jolie Franco-Marocaine de 31 ans, vient de sonner le gong du premier speed dating musulman organisé à Paris. Le principe du speed dating ? Sept femmes, sept hommes, sept minutes pour faire connaissance… et plus si affinités. L’originalité de celui organisé par Habiba ? Il est exclusivement ouvert « à des personnes de culture arabe et musulmane ».
Ce soir, deux gazelles se sont perdues en route (ou se sont dégonflées), mais le coin « garçons » affiche complet. Chaque personne porte un badge avec son prénom, élément nécessaire à ce grand oral de l’amour et du hasard. Les couples se font face. Malicieuse, l’organisatrice lance les hostilités en tapant sur un saladier en cuivre. Ça attaque sec. « Bon, ben, moi c’est Khaled, c’est écrit là, mais j’aimerais bien te faire découvrir ce qu’il y a à l’intérieur… » Le trentenaire franco-tunisien pointe l’endroit du coeur. « Ah oui ? » demande, faussement naïve, la belle Fatima, Berbère marocaine de 20 printemps aux yeux qui lui mangent la moitié du visage. Opération séduction.
C’est bel et bien parti, pour trois heures d’échanges à bâtons rompus : chaque garçon parlant sept minutes avec chacune des sept filles et réciproquement. Alors que dehors, la pluie et le froid balaient les rues, l’ambiance est plutôt chaude dans le petit restaurant du 17e arrondissement de Paris. Les jeunes gens ont le droit d’échanger leur vision de la vie, leur couleur préférée ou leur signe astrologique, mais « pas leur numéro de téléphone », prévient Habiba. « Si le feeling passe entre deux participants, je communique les coordonnées sous quarante-huit heures. C’est une façon de protéger les filles. » Habiba est rodée, cela fait un an que, tous les mois, cet ingénieure de formation, marieuse dans l’âme, organise ce type de soirées dans la région de Nice, où elle travaille, et maintenant à Paris. « Au départ, il s’agissait de speed dating « normaux », mais je me suis aperçue qu’il y avait une forte demande de mariages au sein de la communauté musulmane. »
Ces soirées restent un peu moins « carrées » que ne le réclame le concept de départ. Pour 30 euros, les inscrits peuvent papoter autour d’un thé avant le début des séances (filles et garçons séparés), puis les mêmes groupes non mixtes prennent un repas en milieu de soirée, histoire d’échanger les premières impressions. Côté filles : Khadija, 24 ans, et sa soeur Myriam, 27 ans, sont enchantées. Longs cheveux bouclés, regard de jais et rire facile, elles étaient venues chercher « de l’amusement ». C’est réussi. « Pour le reste, on verra après ! J’aime le concept des rencontres éclairs et le fait que la soirée soit ciblée. Entre musulmans, on partage les mêmes valeurs », explique Khadija. Myriam renchérit : « Nous ne sortons pas qu’avec des Maghrébins, mais si je dois me marier, je préfère que ce soit avec un musulman, qu’il vienne du Maroc ou d’Indonésie ! » Côté garçons, la pudeur l’emporte. « Mes parents mettent la pression depuis deux ans pour que je me marie, et je voudrais trouver une compagne maghrébine mais qui a vécu en France. Le décalage est trop grand avec les filles du bled », indique Djamel, Algéro-Marocain de 30 ans, gominé, rasé de près, affûté dans un costume sobre. Son voisin de tablée au regard doux, Mouss, 38 ans, né en France de parents algériens, explique qu’il est toujours sorti avec des Européennes, qu’il a vécu dix ans avec l’une d’entre elles, mais que « ça n’a pas marché ». Il a besoin aujourd’hui « d’un retour aux sources ».
Habiba reprend son saladier en cuivre, interrompant les discussions à l’issue des sept minutes fatidiques. De nouveaux duos se forment. L’ambiance est détendue. « Pour que la soirée soit réussie, j’essaie de doser : même tranche d’âge, milieu social ou niveau d’études. Je demande aux participants d’éviter les sujets qui fâchent comme le sexe ou la politique », précise Habiba qui ne compte pas encore de mariages à son actif mais cinq couples qui durent !
La pétillante organisatrice pourrait se faire taxer de communautarisme, mais elle a réponse à tout : « Je suis partisane des mariages mixtes, mais je connais bien les particularités de la culture musulmane. Je pense que l’initiative ne va pas du tout à l’encontre de l’intégration des musulmans en France. »
Dernier round, ultime changement de partenaire. Les garçons sont sur le pied de guerre, prêts au coeur-à-coeur. Amusées, les filles sortent leurs armes de séduction massive. OEillades, sourires, regards veloutés. Éclats de voix et rires en cascade. Les questions pleuvent, les interrogations fusent. Il faut sauver le soldat Khaled qui bégaie d’émotion et rougit jusqu’aux oreilles. Dans cette attaque éclair, il y aura quelques dommages collatéraux : « Ils sont tous très sympathiques, mais trop dans l’optique de rencontrer quelqu’un », lâche Fatima. « On aimerait les revoir en tant qu’amis », lance Myriam. « Bon, j’en ai coché trois, mais c’est vous que je veux revoir les filles ! » rigole Sonia. Dur, dur, d’être un bon petit soldat de l’amour.

www.speeddating-maghreb.com

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