État sauveur ou État bourreau ?

Quand des intérêts politiques commandent une stratégie économique.

Publié le 10 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

Le gouvernement italien parviendra-t-il à sauver Alitalia, la compagnie aérienne nationale, en proie aux plus graves difficultés financières de son histoire ? Le plan de relance présenté à la fin d’avril au conseil d’administration repose sur le développement du transport de passagers avec l’accroissement programmé de la flotte d’avions (en 2009, un total de 206 appareils est prévu, contre 179 actuellement) et sur la réduction des coûts. Il prévoit notamment la suppression de 1 100 emplois et l’externalisation de 2 100 autres. La compagnie compte actuellement 21 000 employés. Les aéroports de Rome-Fiumicino et Milan-Malpesa resteraient les deux plates-formes de transit (hub) de la société. La stratégie de partenariat commercial avec Air France a également été confirmée.
Toutes ces mesures ne suffiront cependant pas si l’État ne met pas la main à la poche. Les autorités réfléchissent à la mise en place de mesures de soutien. Mais celles-ci pourraient être bloquées par la Commission européenne ou par le recours d’autres compagnies aériennes, comme ont menacé de le faire Lufthansa et British Airways. D’ailleurs, la Commission de Bruxelles a prévenu, le 5 mai, que seule une aide publique temporaire et remboursable, assortie d’un véritable plan industriel, serait envisageable. Selon le journal économique Il Sole 24 Ore, si le gouvernement ne vient pas en aide au secteur aérien, Alitalia – cotée en Bourse et détenue à 62,39 % par l’État – pourrait passer sous un statut spécial qui la protégerait de la faillite et de la liquidation. En 2003, la compagnie a perdu 510,6 millions d’euros, deux fois plus qu’en 2002 (260,5 millions), tandis que le chiffre d’affaires a reculé de 9 %, à 4,321 milliards d’euros.
La situation du transporteur transalpin n’a pas manqué de faire couler beaucoup d’encre. Comment Alitalia peut-elle perdre 1 000 euros à la minute alors que l’Italie est une destination touristique phare ? Pour Roberto Palea, un membre du conseil d’administration représentant les banques, « l’avionneur souffre des décisions qui sont prises au-dessus de l’équipe de direction ». L’Europe a entamé la dérégulation de son marché aérien il y a une décennie. Mais, en Italie, la présence étatique y est encore très forte.
Contrairement à Aer Lingus en Irlande ou à Iberia en Espagne, dont les dirigeants ont les mains libres, les intérêts politiques pilotent la stratégie – ou plutôt le manque de vision de l’avionneur italien. Ainsi, Alitalia conserve deux importants hubs : l’un à Milan pour faire plaisir au parti de la Ligue du Nord ; l’autre à Rome pour satisfaire celui de l’Alliance nationale. Cela occasionne des dépenses supplémentaires et un réseau de vols inadapté à la demande. La donne politique – élections locales et européennes prévues le 13 juin – a, en outre, longtemps amené le gouvernement à reculer l’échéance de la restructuration du transporteur sous la pression syndicale. Air France et KLM sont disposés à tendre la main à l’avionneur transalpin en lui permettant de les rejoindre. Mais à deux conditions : la privatisation de la compagnie et l’assainissement de ses comptes. La direction actuelle y parviendra-t-elle ?
« Aujourd’hui, Alitalia a deux fois plus d’employés qu’il n’en faut ! » a affirmé le président du Conseil, Silvio Berlusconi, le 1er mai, dans le quotidien Il Riformista. Pour les plus pessimistes, l’avionneur est voué au démantèlement ou à devenir une compagnie régionale.

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