Sur la trace de Bourguiba

Publié le 10 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

Habib Bourguiba aimait à se présenter comme « un Jugurtha qui a réussi ». Manière de dire, en faisant référence au mythique roi numide de l’Antiquité – tué par les Romains alors qu’il essayait de s’opposer à leur pénétration – qu’il ne se reconnaissait ni ascendants ni précurseurs dans l’histoire récente de la Tunisie. Héros de la décolonisation, il a présidé pendant trois décennies aux destinées de la République qu’il a fondée en 1957, avant d’être destitué à cause de son grand âge. Depuis sa disparition, il y a quatre ans, il suscite un intérêt qui ne se dément pas, et qui contraste avec le relatif oubli dans lequel il était tombé au crépuscule de sa vie. Ses compatriotes, tous un peu orphelins depuis le 6 avril 2000, apprécient les initiatives de commémoration dont il fait l’objet, qu’elles émanent des autorités tunisiennes, qui ont lancé une pièce de 5 dinars à son effigie, des fondations scientifiques, qui multiplient les colloques, ou encore du maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui a inauguré une esplanade à son nom, en face du Quai d’Orsay (voir J.A.I. n° 2257).
On célèbre Bourguiba, mais le connaît-on vraiment, et mesure-t-on complètement la portée de son oeuvre et sa postérité ? Ce leader charismatique, qui a voulu – et réussi – à confondre son destin avec celui de son pays, s’inscrit-il dans la lignée des grands réformistes tunisiens, arabes et musulmans, ou doit-il, au contraire, être regardé comme l’architecte d’une matrice autoritaire ? Quelle empreinte a-t-il finalement transmise en héritage à la Tunisie ? Quel regard convient-il de porter sur son oeuvre aujourd’hui, presque dix-sept ans après son éviction de la scène politique ? Pour essayer de répondre à ces questions, qui ont déjà été beaucoup abordées, mais jamais avec le recul nécessaire aux historiens, Michel Camau et Vincent Geisser, universitaires et spécialistes de la Tunisie (CNRS, Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, France), ont sollicité les contributions d’une trentaine d’auteurs, pour un livre qui fera date : Habib Bourguiba. La trace et l’héritage. Ni biographie ni série d’hommages, l’ouvrage, à paraître le 13 mai aux éditions Karthala, rassemble des articles signés par une trentaine d’historiens, de sociologues, de journalistes et de témoins de l’époque. On y retrouve, notamment, les signatures de Souhayr Belhassen, Sophie Bessis, Paul-Marie de La Gorce, Nicole Grimaud ou Lotfi Hajji.
Ce livre érudit détaille les aspects de l’action d’un leader qui aura été tour à tour réformateur, homme de pouvoir, nationaliste et diplomate. Les éclairages sur les rapports complexes et passionnels qu’il entretenait avec l’Orient arabe et avec les États-Unis en constituent un des points forts. Tout comme d’ailleurs les témoignages réunis dans la dernière partie de l’ouvrage : ceux des éditeurs Mohamed Ben Smaïl et Noureddine Ben Khader, et ceux des anciens ministres Tahar Belkhodja, Béji Caïd Essebsi et Mohamed Sayah.

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