Pieter-Dirk Uys

Comédien

Publié le 11 mai 2004 Lecture : 3 minutes.

Costume noir, crâne rasé, regard malicieux et sourire en coin, l’homme en impose. Au revers de sa veste, Pieter-Dirk Uys a accroché un « pin’s » avec le ruban rouge du sida. Il ne le quitte jamais, surtout depuis qu’il sort des salles de théâtre pour aller jouer ses sketches dans les écoles, parler sexe et sida aux adolescents. Uys, 59 ans, est toujours le comique le plus célèbre d’Afrique du Sud. Homosexuel et antiraciste, de mère juive exilée d’Allemagne en 1938, de père afrikaner, il explique que la société xénophobe, conservatrice et machiste dans laquelle il a grandi ne lui laissait pas le choix. « Je ne pouvais pas mettre une bombe sous la voiture de Pieter W. Botha. Alors je suis devenu comédien. »

De 1978 à 1990, il dénigre sur scène le régime et les potentats de l’apartheid, en revêtant les atours de son personnage fictif, Evita. Au rythme des tournées à l’étranger et dans son pays, Evita était devenue « la femme blanche la plus connue d’Afrique du Sud ». Avec la disparition de l’apartheid, Uys n’a pas perdu son ton sarcastique. « Il n’y a qu’à lire les journaux et écouter les politiques pour trouver de l’inspiration. » Ses vieux fans sont afrikaners, mais les jeunes générations noires commencent à l’apprécier grâce à ses spectacles en milieu scolaire et les rediffusions à la télé.
Dans son dernier spectacle, où il célèbre les dix ans de la nouvelle Afrique du Sud, il raille Thabo Mbeki le cynique (« peut-être le recordman du monde en termes de miles aériens »), qui, estime-t-il, ferme les yeux sur l’holocauste du XXIe siècle (le sida), dénigre Mantho, la ministre de la Santé, caricature Winnie Mandela et rend hommage, dans un énorme éclat de rire, à Desmond Tutu et à Nelson Mandela, dont il imite la voix rocailleuse à la perfection. « Moi, j’ai grandi dans un pays où Mandela était Ben Laden, et Pieter W. Botha, George W. Bush. Il faut que mes spectacles, même si je suis très critique, restent une célébration de ce qui nous est arrivé. Les enfants, déjà, ne savent plus ce qu’était l’apartheid. Il faut leur rappeler. C’est important pour eux de savoir que nous nous sommes battus et qu’aujourd’hui nous pouvons en rire. » Démocrate engagé, Uys incite ses spectateurs plus jeunes à aller voter. Pour lui, les hommes politiques doivent avant tout travailler pour le peuple. En exerçant ses droits civiques, le citoyen sud-africain aura toujours la possibilité de punir ceux qui agissent contre les intérêts des populations. « Les gouvernements veulent vous protéger de la terreur et, un matin, vous vous réveillez, et ce sont eux qui vous ont violé. Il ne faut pas que ça arrive en Afrique du Sud », explique l’artiste.

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Il aborde également des sujets sensibles comme l’apartheid hier, le sida aujourd’hui. « Il faut rire de ce qui nous effraie, ne serait-ce que pour se soulager. À partir du moment où vous mettez un nom sur vos peurs, vous pouvez les combattre. » Quel meilleur exemple de sa « thérapie par l’humour » que la rencontre qu’il relate avec un des jeunes dont il avait visité l’école. « Tu me reconnais, Man ? » lui avait dit le garçon (Uys prend l’accent zoulou). « T’étais venu dans mon école pour parler du sida. J’me souviens de toi, Man. C’était super. Hey Man, regarde-moi. Je suis tellement heureux : je suis encore vivant. » Une pointe d’émotion casse la voix du comédien. On peut rire de tout, mais parfois on a quand même envie de pleurer.

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