Non, Kadhafi n’a pas changé
Certains dirigeants européens semblent impatients d’accueillir chez eux le Libyen Mouammar Kadhafi. Comme si ce dictateur aux mains tachées de sang était soudain devenu une personnalité respectable. Ils devraient y regarder à deux fois. L’État policier mis en place par Kadhafi est l’exemple type de ces gouvernements autocratiques, erratiques et incompétents qui ont plongé la plupart des pays arabes dans le gouffre de la stagnation économique et politique, ruiné des millions de vies et créé dans la région un climat explosif.
Le fait que Kadhafi ait accepté, en décembre 2003, d’arrêter ses programmes d’armes non conventionnelles a détendu l’atmosphère et justifié la levée des sanctions économiques, lesquelles étaient explicitement liées à l’existence de tels programmes. Dans ces conditions, on peut parfaitement envisager de mettre fin à l’isolement économique de la Libye et d’améliorer les conditions de vie de sa population – à condition que Kadhafi ne profite pas de cette ouverture pour financer de nouveaux programmes d’armement ou de nouvelles opérations terroristes. Mais les dirigeants des pays démocratiques devraient quand même garder une saine distance avec l’homme responsable de la mort de tant d’innocents, et qui, comme si de rien n’était, se prépare à fêter le trente-cinquième anniversaire de son pouvoir absolu.
Longtemps, il s’est servi de l’argent du pétrole pour financer ses rêves fous de révolution mondiale et multiplier les coups d’État, les invasions, les tentatives d’assassinat et les atrocités terroristes.
Les Américains ont l’expérience des méthodes de Kadhafi : en 1988, l’attentat contre le vol 103 de la PanAm, au-dessus de Lockerbie, en Écosse, a fait 270 morts. Un an plus tard, un autre attentat libyen contre un avion de ligne français a fait 170 victimes. Depuis quelques années, Kadhafi n’est plus directement impliqué dans le terrorisme international, mais les opposants libyens continuent d’être victimes de graves violations des droits de l’homme : assassinats, enlèvements, torture, détentions arbitraires…
Récemment, le Premier ministre britannique Tony Blair, qui ne cesse de répéter que le monde civilisé a eu raison de se débarrasser du sinistre Saddam Hussein, a accepté une invitation à se rendre en Libye. Ses principes auraient dû lui interdire ce voyage. Le 27 avril, Kadhafi a été reçu à Bruxelles par la Commission européenne, son premier voyage hors d’Afrique et du monde arabe depuis plus de quinze ans.
Après un déjeuner avec Romano Prodi, le président de la Commission, il n’a pas caché que sa conception des rapports entre la politique et la violence n’avait pas fondamentalement changé. Selon lui, le terrorisme libyen était une forme de « lutte armée » destinée à soutenir les combattants de la liberté à travers le monde.
Bref, il reste fidèle aux idées sanguinaires qu’il a professées tout au long de sa carrière. Les dirigeants européens seraient bien inspirés de se montrer tout aussi fermes dans leur mépris de cet ennemi de la démocratie et de la dignité humaine.
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