L’Afrique dans tous ses États

Publié le 11 mai 2004 Lecture : 6 minutes.

Deux cent soixante pages pour dresser l’état des lieux de l’Afrique, quelle gageure ! Ne suffit-il pas de dire qu’on y meurt par millions du sida, du paludisme ou de la faim ? Qu’on s’y délecte de la guerre ? Qu’on y est révulsé par l’idée de progrès ? Une fois ce tableau monochrome couché sur papier, l’urgence n’est-elle pas d’abandonner le sort du continent aux seules organisations humanitaires et de porter son attention sur le « monde qui compte », celui dont les mutations méritent d’être décryptées ? Lorsqu’il s’agit de l’Afrique, ne dispose-t-on pas d’une dérogation pour se complaire dans la paresse intellectuelle ? Ne peut-on pas se permettre de confondre les capitales, de martyriser les patronymes, de prendre des libertés avec les repères historiques ? Bref, d’accumuler les erreurs et les approximations ?

Si votre journal, après avoir couvert pendant quarante-quatre ans l’actualité de tous les pays du continent, rencontré les femmes et les hommes qui y vivent, y travaillent, venait à traiter l’Afrique et les Africains par-dessus la jambe, personne au sein de la rédaction ne vous en voudra, chers lecteurs, de le vouer aux gémonies. Ce jour-là n’est pas près d’arriver. Pour vous en donner la preuve, l’équipe de Jeune Afrique/l’intelligent a non seulement pris le pari d’éditer un nouveau hors-série, mais elle l’a surtout voulu aussi riche, complet et pratique que possible. Et comme il n’a jamais été question dans cette maison de considérer que l’ambition de la qualité et de la beauté était un luxe pour l’Afrique, les concepteurs de ce produit l’ont également voulu coloré, animé, facile à lire et même précieux, à l’image de sa couverture aux reflets dorés.
Depuis le 22 avril, L’État de l’Afrique 2004 est dans les kiosques, en France, en Afrique et dans tous les pays où J.A.I. rencontre ses lecteurs. Il dispose aussi de sa page spéciale – pour découverte et commande si affinités… – sur notre site Web (www.lintelligent.com). Ce jour-là, excitation et angoisse se sont emparées du rédacteur en chef Jean-Dominique Geslin, de l’éditeur Jean-Louis Parbot et de toute l’équipe composée notamment de Jérôme Besnault pour les statistiques, Delphine Stein, Stéphanie Creuzé et Christophe Chauvin pour la mise en page, Frédérique Letourneux et Guillaume Lenormant pour la rédaction technique, Philippe Guillaume et Teresa Monfourny pour la révision, et Claire Vattebled pour l’iconographie. Excitation au moment de livrer au public un hors-série dont la maturation a duré de longs mois. Angoisse à l’idée de savoir qu’il va maintenant affronter le jugement sans concession des lecteurs.
Puisqu’il est désormais de rigueur de montrer patte blanche lorsqu’on entend faire un état des lieux du continent, et recommandé de se prêter au rite de l’étiquette (choisir entre afro-pessimiste, afro-optimiste, afro-angélique, afro-réaliste,…), le rédacteur en chef confesse dans l’éditorial son incapacité à situer l’annuaire de J.A.I. dans cette grille de lecture. « Pourquoi dresser un état chiffré de l’Afrique si les informations avancées ne sont pas forcément dignes de foi ? » s’interroge Jean-Dominique Geslin, après avoir souligné les limites évidentes de la collecte statistique sur le continent. « Parce que, derrière la façade des statistiques, les journalistes de J.A.I., tout en interprétant les grandes tendances qui se dégagent, ont tenté d’apporter à cette synthèse un éclairage différent. Une sorte de supplément d’âme, acquis au fil des reportages, et qui nous permet d’écrire que l’Afrique ne se résume pas à son endettement, à la corruption de ses élites ou aux ravages du sida. » L’État de l’Afrique 2004, c’est donc ça : des chiffres, des dizaines de cartes, des centaines d’infographies, des analyses, des perspectives, 53 fiches pays, le tout enveloppé par quatre décennies d’expérience. Il ne s’agit pas de décréter que tout va bien ou que tout va mal, mais de capter au plus près la situation « des Afriques » aujourd’hui et d’explorer, avec vous, lecteurs, les futurs possibles.

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La quarantaine d’auteurs qui ont collaboré à la rédaction de ce hors-série de J.A.I. ont souhaité avant tout ménager un maximum de moyens « d’entrer » dans le document. Chacun fait son marché. Libre à vous de commencer par la préface d’Alpha Oumar Konaré, ancien chef de l’État malien et actuel président de la Commission de l’Union africaine. Il expose sa vision de l’avenir d’un continent qui s’est littéralement embrasé dans les années 1990. Et qui a décidé ces dernières années de mettre à plat ses institutions pour en finir avec l’adversité. Si c’est la conjoncture économique qui vous passionne, outre une tribune du président de la Banque africaine de développement (BAD), Omar Kabbaj, une trentaine de pages vous renseignent sur la compétitivité des économies africaines, la nouvelle donne des hydrocarbures, les questions monétaires, le coton de l’Afrique de l’Ouest, le cacao de la Côte d’Ivoire en crise, le café éthiopien ou ougandais, le retour de l’hévéa, les diamants propres du Botswana et les sales de la RD Congo, ou encore la bauxite sous-exploitée de Guinée.
Si vous considérez que l’Afrique, réservoir de matières premières, c’est ringard, rendez-vous aux pages « Enjeux ». Et là, faites le point sur le bourgeonnement des cybercafés, la razzia sur les téléphones mobiles, la recomposition du ciel africain, les débuts de l’écotourisme, mais aussi sur l’urbanisation anarchique, la vulnérabilité au terrorisme et les trafics en tout genre. À moins que vous ne juriez que par le Nepad, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique. Bilan d’étape, explication du fameux mécanisme africain d’évaluation par les pairs et tribune de Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et actuel « monsieur Nepad » du président français, vous attendent. Pour les boulimiques de palmarès, le menu est varié : les 100 premières entreprises d’Afrique, le classement des 53 pays en termes d’espérance de vie ou de taux d’alphabétisation, le tableau de la corruption, les premiers pays d’accueil des investissements directs étrangers, l’évaluation des risques-pays, les disparités économiques entre les grands ensembles sous-régionaux, etc.

L’économie, c’est important, mais en observateur averti vous savez qu’elle est tributaire, en Afrique plus qu’ailleurs, du politique. Faites donc un tour dans les pages « État des lieux ». Immergez-vous dans les zones de turbulences : Côte d’Ivoire, RD Congo, Soudan, Liberia, Centrafrique… Méditez sur les questions de démocratie, d’élections et de bonne gouvernance, ces mots clés dont François Soudan nous dit qu’ils sont « des pétitions de principe qui… n’ont pas pris une once de réalité à force d’être répétés ». Ou, avec Christophe Boisbouvier, sur l’épouvantail ivoirien agité par nombre de chefs d’État africains pour justifier les retouches constitutionnelles destinées à asseoir la présidence à vie. Malgré ces résistances au progrès, pensez-vous que « l’Afrique, c’est bel et bien l’avenir », comme l’écrit Francis Kpatindé ?
Tout cela paraît intéressant, pensez-vous, sauf que ce dont vous avez vraiment besoin c’est d’un document qui vous décrive clairement la situation politique, économique et sociale de l’Algérie, du Cameroun, de la Guinée équatoriale ou du Swaziland du monarque absolu Mswati III. Allez donc directement à la dernière partie de L’État de l’Afrique, où les 53 pays africains vous sont présentés en 120 pages illustrées. Vous saurez par exemple dans quelle île de 587 000 km2, à en croire la fiche de la page 253, le rédacteur en chef de ce hors-série s’en est allé domestiquer son angoisse. Pour se reposer de l’Afrique, les rédacteurs de votre hebdomadaire vont en congé… en Afrique. C’est sans doute de là que vient ce mystérieux supplément d’âme.

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