Drôles de titres

Publié le 11 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

On apprend avec jubilation qu’un nouveau mensuel vient d’être lancé à Paris sous le titre L’Imbécile. Diffusé en kiosque à 20 000 exemplaires, le nouveau-né compte quelques grandes signatures et un rédac’chef de talent, Frédéric Pajak. Sa profession de foi pourrait ainsi être résumée : « À la marée noire de l’info, L’Imbécile oppose la parole d’individus qui tentent de penser le plus subjectivement possible le grand bordel ambiant. » Eh bien, bon vent au nouveau confrère ! Mais tout de même, quel titre… Espérons qu’aucun lecteur distrait ne s’avisera de demander sa revue au kiosquier d’un péremptoire :
– Hé, L’Imbécile !
Il risquerait de se retrouver à l’hôpital, pour peu que ledit kiosquier soit du genre irascible. De même, si un journaliste se levait au cours d’une conférence de presse et se présentait ainsi :
Tartempion, L’Imbécile, Monsieur le Ministre, qu’en est-il du trou de la Sécu ?
Il n’est pas sûr qu’il obtienne une réponse cohérente.
La tradition du titre bizarre remonte à loin. En 1968, Jean-Edern Hallier avait lancé L’Idiot international, le titre L’Idiot tout court étant accaparé depuis 1867 par un certain Dostoïevski, une espèce de Russe qui se mêlait d’écrire. Mais là où Dostoïevski avait mis en scène un Christ des temps modernes, qui cherchait en chaque homme le bien, la feuille d’Hallier faisait l’inverse : on y cherchait en tout homme le salopard (on se souvient notamment d’une odieuse campagne contre Léo Ferré). Pourquoi cet idiot-là était-il international, mystère. Pour s’opposer à l’idiot du village, peut-être ?
Il y a eu aussi L’Âne, un magazine freudien. Longtemps je me suis demandé ce que le doux equus asinus avait à voir avec Freud, avant de m’aviser qu’il s’agissait simplement de l’acronyme de l’association Analyse Nouvelle Expérience. Coup de pied de l’âne aux niais de mon espèce.
On signale un L’Abominable du côté d’Asnières-sur-Seine et La Grosse Bertha n’est pas mal non plus. Mon préféré reste cependant Le Crétin des Alpes, une revue très sérieuse qui milite pour la sauvegarde du bouquetin éponyme, connu également sous le nom de dahu. Le dahu, comme chacun sait, a les pattes plus courtes d’un côté que de l’autre, ce qui lui permet de se tenir parfaitement droit à flanc de coteau. Et ne me demandez pas comment il fait pour se tourner, adressez vos critiques au Créateur. Par ailleurs, puisqu’on est là à discuter amicalement, ne vous avisez pas de créer des revues sous le titre Le Borné, Le Nul, Le Nigaud ou Le Jobard… J’ai personnellement déposé tous ces titres, qui sont à vendre pour la somme de 10 000 euros cash.
L’Imbécile, L’Idiot, L’Âne… Il y a des jours où l’on se dit que finalement on est bien content d’écrire dans L’Intelligent. Et nulle part ailleurs.

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