De Guantanamo à Abou Ghraib

Publié le 10 mai 2004 Lecture : 2 minutes.

L’Histoire le prouve. Le recours à la torture est une démarche naturelle chez l’occupant quand il fait face à la moindre résistance. La mission civilisatrice, justification du fait colonial, est très vite oubliée quand il s’agit d’opérations de maintien de l’ordre. Cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, la France continue de s’émouvoir dès que le débat sur la gestion des « événements » est rouvert à l’occasion de la sortie d’un livre ou d’un film sur la question. Pour éviter toute polémique, Israël a légalisé la torture comme « outil » de travail dans la quête du renseignement pouvant sauver la vie d’innocents. Depuis novembre 2001, Guantánamo a été érigé, malgré des protestations du bout des lèvres ici et là, en espace de non-droit, où le geôlier a droit de vie ou de mort sur le détenu et où ce dernier ne dispose d’aucun recours. Pourquoi alors les photos diffusées par CBS ont-elles autant choqué ? D’abord, et tout simplement, parce que le public, donc l’opinion, y a eu accès. Les exploits algérois des paras de Bigeard et ceux de tous les tortionnaires de la planète, d’hier et d’aujourd’hui, n’ont pas eu droit à la même « publicité ». Les mots ne pèsent pas lourd en regard de photos choquantes.

Toutefois, l’ampleur prise par l’affaire ne tient pas seulement à la transformation de la planète en village régi par une société de l’information, mais aussi aux mensonges successifs de la Maison Blanche. Si l’opinion américaine était prête à pardonner celui des armes de destruction massive, l’opinion irakienne a très vite compris que les « libérateurs » reproduisaient les pratiques de l’oppresseur déchu. Quel meilleur symbole que celui d’Abou Ghraib, bagne où les barbouzes de Saddam Hussein torturaient les mêmes personnes ! Les cinq mille prisonniers d’Abou Ghraib ne sont ni des dignitaires de l’ancien régime (ils seraient tous détenus dans un centre spécial attenant à l’aéroport de Bagdad), ni ses hommes de main, mais de pauvres bougres, arrêtés au hasard de perquisitions nocturnes et musclées, ou dont la tête ne revenait pas à un officier de la Coalition lors d’un contrôle de routine.
En présentant, le 5 mai, ses excuses à la population irakienne, George W. Bush a affirmé que si le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld lui avait présenté sa démission au lendemain de la publication des photos il l’aurait refusée. De quoi soulager les détenus d’Abou Ghraib. D’autant que le président américain a omis de préciser qu’il avait décidé de nommer à la tête de la direction des prisons en Irak le général Geoffrey Miller, un expert en la matière : il commandait le centre de détention de Guantánamo.

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