Comment sauver le fleuve Niger ?
Question posée par Ousmane Traoré, Bamako, Mali
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« Il n’y a pas de risque que le fleuve Niger s’arrête de couler », assure Gil Mahé, hydrologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste du Niger. Tout au moins pas avant la fin du siècle, et ce même dans l’hypothèse d’une sécheresse qui perdurerait jusque-là. Entretemps, l’aménagement d’un ou deux barrages supplémentaires, par exemple en Guinée et au Mali, suffiront à réguler le débit du fleuve, qui a été divisé de moitié en trente ans. Si tant est, néanmoins, que ces ouvrages soient correctement construits et gérés.
À l’heure actuelle, les réseaux de mesures hydrologiques fonctionnent mal ou de manière aléatoire. Or, si l’on ne fait pas d’analyses fréquentes, les données deviennent obsolètes, et cela constitue un risque de malfaçon dans la construction des ouvrages hydrauliques (barrages mais aussi ponts, routes), explique Gil Mahé. Les dernières mesures fiables concernant le ruissellement des eaux de surface remonteraient, par exemple, aux années 1980. Mais il a fortement augmenté depuis en raison de la raréfaction de la végétation et de la biomasse (les plantes et certains insectes, comme les termites, participent à l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques), causée par la sécheresse. Selon Gil Mahé, le barrage de Bagré, au Burkina, mis en eau en 1991, aurait ainsi été construit sur la base de fausses mesures. D’où la catastrophe de 1999 lorsque l’ouverture des vannes du barrage, qui faillit céder sous la pression de l’eau, entraîna des inondations mortelles dans le nord du Ghana.
Autre enjeu, la gestion intelligente des barrages. Les différentes fonctions production d’électricité, irrigation et stabilisation du niveau pour la navigation doivent être assurées harmonieusement au risque de créer des déséquilibres économiques et environnementaux. Ainsi, au Mali, l’utilisation de l’eau du barrage de Sélingué pour les périmètres irrigués de l’Office du Niger doit être contrôlée. Les autorités maliennes souhaitent doubler les surfaces cultivées, mais l’impact de l’augmentation des prélèvements en eau sur les zones en aval du fleuve reste à déterminer. Si les prélèvements de l’Office ne représentent que 5 % du volume total capté en période de crue, ils atteignent près de 80 % en période d’étiage Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’il est économiquement profitable d’accroître la production de riz au détriment de l’activité de pêche ou d’élevage.
Quant aux problèmes de pollution qui menacent le fleuve, ils seraient, selon Gil Mahé, largement surestimés. Même en aval des grandes villes, la concentration des polluants chimiques n’atteint pas les seuils fixés par les pays européens. En revanche, il existe bien une pollution bactériologique liée au déversement des eaux usées dans le fleuve. Elle entraîne de nombreuses maladies ainsi que la prolifération des jacinthes d’eau aux abords des villes. Seule la mise en place d’un mécanisme de traitement des eaux usées et un changement des habitudes de vie des populations résidant au bord du fleuve permettront d’enrayer ces fléaux.
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