Opération Maghreb

Achat de 35 % de Tunisie Télécom, investissements massifs au Maroc Le groupe émirati poursuit son irrésistible expansion.

Publié le 10 avril 2006 Lecture : 5 minutes.

Le 29 mars 2006 aura été un jour faste pour la Tunisie et le Maroc. Un peu plus de 3 milliards de dollars (3,052) en cash pour l’achat, par Dubai Technology, Electronic Commerce & Media Free Zone/Dubai Investment Group (Tecom/Dig), de 35 % de l’opérateur national Tunisie Télécom (voir J.A. n° 2360). Le même jour, 12 milliards de dollars sont engagés au Maroc par Dig et sa branche immobilière, Dubai International Properties (Dip), en présence du roi Mohammed VI, en vue de la réalisation d’un programme immobilier dans les cinq prochaines années, en partenariat avec deux sociétés marocaines : la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et SABR Management. Parmi les projets, celui des « Dubai Towers », à Casablanca. Coût estimé : 600 millions de dollars. Le complexe comprendra un hôtel, deux tours, dont une à usage de bureaux, des immeubles résidentiels, des commerces et des loisirs. Toujours à Casablanca, la Marina coûtera quelque 500 millions de dollars. À Rabat, le projet Amweej nécessitera un investissement de 2 milliards de dollars pour la construction sur les rives du Bouregreg d’un complexe touristique, résidentiel et d’affaires.
Tecom, Dig, ou Dip ne sont que des filiales. Derrière eux, deux noms : Dubai Holding et Cheikh Mohamed Ibn Rachid al-Maktoum, émir de Dubaï, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis (EAU). C’est une entreprise de statut public, que l’on dit chargée aussi de faire fructifier la fortune de la famille régnante des Maktoum. Son président, Mohamed al-Gergawi, est ministre d’État pour les affaires du cabinet à Dubaï. Le holding est propriétaire et gestionnaire d’un portefeuille diversifié d’une vingtaine de filiales opérant dans divers secteurs d’activité comme les télécommunications et les technologies de l’information, les marchés financiers, l’énergie, l’immobilier, le tourisme et l’hôtellerie de luxe, la biotechnologie, les industries manufacturières, les services portuaires, la santé et l’éducation. Des métiers qui se retrouvent le plus souvent en tandem, comme c’est le cas en Tunisie. Tecom, créé en 2000, est à la fois un opérateur de télécommunications et de médias, à l’instar de Vivendi Universal. Les activités de Tecom relèvent de la nouvelle économie. À Dubaï, il gère une sorte de Silicon Valley qui rayonne sur l’ensemble du Golfe et comprenant Dubai Media City, Knowledge Village, et Dubai Internet City. Plus de 5 500 personnes y travaillent. Les sociétés qui opèrent dans les zones couvertes par Tecom bénéficient des avantages fiscaux accordés aux acteurs de la nouvelle économie. On y compte plus de 700 firmes opérant dans les nouvelles technologies de l’information et 200 dans les médias. Parmi les premiers, d’illustres noms comme Sun, Microsoft, Oracle, IBM, Hewlett-Packard, Compaq, Dell, Siemens, Canon, Sony-Ericsson, Cisco. De grands médias internationaux y ont aussi installé leurs bureaux régionaux comme Reuters, CNN, MBC, CNBC.
En matière de télécommunications, Tecom exerçait jusque-là ce que l’on appelle une « activité de niche » et employait 500 personnes à Dubaï. Il fournissait à ses 19 000 abonnés installés dans ces zones franches (pour la plupart de grandes firmes étrangères grandes consommatrices de télécoms) ou des quartiers résidentiels de haut standing l’accès à Internet, à la transmission de données, au téléphone fixe et à la télévision par câble. Tecom jouissait ainsi d’un monopole dans ces zones, tandis qu’Etisalat exerçait un monopole de fait dans le reste des EAU. Tecom comme Etisalat viennent de perdre ces monopoles dans le cadre d’une libéralisation du secteur et la création d’un nouvel opérateur : Emirates Integrated Telecommunications Company (EITC), qui va opérer sous la marque « Du » et dont les actionnaires majoritaires sont publics, qu’ils soient de Dubaï ou d’Abou Dhabi. Il s’agit d’une simple restructuration du secteur dans la mesure où le président de la nouvelle entité n’est autre que Ahmed Ben Biyat, l’un des principaux dirigeants de Dubai Holding et de Tecom. Ce dernier a donc cédé à EITC, en février, ses actifs de téléphonie fixe situés à Dubaï pour 330 millions de dollars. Ce qui l’intéresse désormais, ce n’est plus le marché local mais l’expansion à l’international. D’où l’acquisition de Tunisie Télécom, dont il pourra prendre le contrôle majoritaire dans un délai de quatre ans. D’où aussi sa participation de 120 millions d’euros, en octobre, dans le capital d’Interoute, propriétaire et opérateur du réseau voix et données le plus dense d’Europe et fournisseur de solutions pour les entreprises. D’où, enfin, le rachat par Tecom d’Axiom Telecom, le plus grand revendeur de téléphonie mobile au Moyen-Orient.
Avec Tecom, on retrouve Dig, bras financier de Dubai Holding, qui prend des participations directes dans les entreprises, opère à la Bourse et investit dans l’immobilier. Dig est à chaque fois présent aux côtés des filiales sectorielles (comme Tecom et Dip) dans leurs opérations.
Ce qui est investi en Tunisie et au Maroc ne représente qu’une petite part de l’offensive menée dans le monde par les investisseurs de Dubai Holding. Aux États-Unis, le même mois, Dubai Ports World (DPW), une autre filiale de Dubai Holding, a suscité une levée de boucliers au sein du Congrès après sa prise de contrôle de la gestion de six ports américains (dont celui de New York) à travers sa branche britannique, Peninsular & Oriental Steam Navigation Company (P&O), rachetée pour 6,8 milliards de dollars, faisant de DPW, déjà implanté en Asie, en Australie, en Allemagne et au Venezuela, l’un des premiers gestionnaires de ports dans le monde. À Londres, l’an dernier, Dubai International Capital (Dic) s’est offert le fameux musée de cire Madame Tussauds pour 1,5 milliard de dollars. Puis a acquis 2 % du capital du constructeur automobile germano-américain DaimlerChrysler pour 1 milliard de dollars, devenant ainsi le troisième actionnaire.
« En dix ou quinze ans, nous avons placé Dubaï sur la carte mondiale », se félicite Mohamed al-Gergawi, commentant le retentissement soudain du déploiement à l’international du conglomérat. Il aurait même pu dire qu’ils l’ont sorti du néant, car, de tous les émirats, sultanats et royaume du Golfe, seul Dubaï ne dispose pas de réserves importantes de pétrole, qui ne représente que 6 % de son PIB. Juste récompense, mais peut-être aussi parce qu’il est épargné par la « malédiction de l’or noir », Dubaï est devenu une référence particulièrement respectée dans le monde arabe, où les hommes d’affaires ne jurent plus que par lui.

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