Dakar au-delà des clichés avec Djibril Dramé
Ce Dakarois autodidacte photographie sous tous les angles la ville qui l’a vu naître, ses habitants et leurs coutumes. Il nous raconte « sa » capitale et l’influence qu’elle a sur son œuvre.
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Un homme noir, mains ouvertes dans une position d’offrande (ou de prière) fait face à l’océan. Autre cliché, autre figure : un rasta, tout de blanc vêtu, s’avance dans les eaux écumeuses. Dans sa série Jesus was black, exposée sur l’île de Gorée au cours des mois de mai et juin à l’occasion de l’édition 2021 de Regards sur cours, le photographe Djibril Dramé explore la représentation de l’homme noir dans l’imaginaire collectif. Mais aussi la spiritualité et les aspects qu’elle revêt dans la vie quotidienne des citadins dakarois.
Des thèmes chers à l’artiste qui tient à interroger sans cesse les fils qui relient la tradition et la modernité, l’intimité et l’altérité. « L’art a vocation de parler de toutes ces choses : les sujets tabous, comme la sexualité, le rapport au corps et les petits détails, les choses quotidiennes », explique-t-il. En vérité, son travail mêle, pêle-mêle, le trivial et le mystique. C’est peut-être pour cette raison qu’il nous donne rendez-vous à l’aube, au pied du phare des Mamelles.
Studio à ciel ouvert
Tandis que des groupes de sportifs s’échauffent et s’étirent avant de se lancer à l’assaut de la colline, qu’ils montent et descendent inlassablement, le photographe nous entraîne à l’écart de l’agitation, au bord de la mer. Un endroit où il se rend régulièrement pour faire du sport, méditer, et prendre des photos.
Le Dakarois de 33 ans, qui a grandi entre la Médina et la banlieue de Diamaguène (entre Thiaroye et Rufisque), a très à cœur de documenter la ville l’ayant vu naître, ses habitants et leurs coutumes. Dans ses différentes séries Ndewendeul, il magnifie la beauté des tenues traditionnelles portées le jour des fêtes religieuses, comme la Tabaski ou la Korité. Dans la Médina ou à Liberté-6, il met en place un studio à ciel ouvert et invite les passants à se prendre eux-mêmes en photo pour célébrer le jour de fête.
Dans sa série Forgotten icons (Les Héros oubliés), il remet au goût du jour des figures clés de l’histoire sénégalaise, comme la chanteuse sérère Yandé Codou Sène ou « la première femme rappeuse sénégalaise », Aby Ngana Diop. Présentée à la Biennale de Dakar 2018, Fenêtre sur l’espoir, également réalisée au moyen d’une installation en plein air, rend hommage au travail du réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambety et à ses films Touki Bouki et Badou Boy.
« Sortir du chaos de Diamaguène »
Si le parcours d’artiste de Djibril Dramé s’est construit en dents de scie, l’utilisation de l’image et de la créativité urbaine sont les piliers de son apprentissage. « Tout a commencé avec le graffiti, raconte-t-il, lorsque mon cousin a vu que mes cahiers de maths étaient plus fournis en gribouillis qu’en équation ! C’est lui qui m’a initié. » Il voit alors l’art comme un moyen de « [se] sortir du chaos de Diamaguène ». De ces années-là, il a aussi gardé le projet d’un livre sur l’histoire du graff en Afrique de l’Ouest.
Dakar à une particularité : c’est une ville qui t’apprend la patience »
Après un – court – passage à la faculté de lettres modernes de l’université Cheikh-Anta-Diop (Ucad) de Dakar, il intègre le journal l’AS Quotidien, où il est responsable de la rubrique « Une image vaut mille mots ». Il lance ensuite son propre site (Sénégalais.net) avant de fonder son agence de communication, DM média. Après quelques années « de galère » aux États-Unis, le voilà de retour avec femme et enfants. Marqué par son expérience à l’étranger, il établit des parallèles entre le durag (couvre-chef popularisé par les Africains-Américain) et les tenues mouride : « Les deux ont un pouvoir spirituel », assure le photographe.
À Dakar, il fustige « l’indiscipline » des habitants, la pollution, le coût de la vie, les constructions anarchiques, l’urbanisation trop dense. « Ils ont même creusé les Mamelles. Ici, c’était si beau avant », se désole-t-il en pointant du doigt les immeubles en béton qui font désormais face à l’Atlantique. Pourtant, il ne s’imaginerait pas être ailleurs que dans cette ville où il est sans cesse confronté à de « belles difficultés ». Car « Dakar à une particularité : c’est une ville qui t’apprend la patience », sourit le photographe.
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