Les dentiers de la mer

Publié le 10 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Lorsque l’attachée de presse d’une compagnie de bateaux très haut de gamme m’a proposé de « tester » l’un d’entre eux pendant quelques jours, j’ai accepté. Je voyais là l’occasion de pénétrer dans le monde très fermé des richissimes et de les observer comme un entomologiste le ferait de quelque insecte rare.
Le bateau, un géant des mers immaculé, mouillait dans le port espagnol de Málaga lorsque nous sommes montés à bord. L’accueil fut digne de stars : tapis rouge, groom tous les deux mètres, champagne. L’immense salle de réception du navire n’aurait pas dépareillé dans le hall d’un palace. Des passagers y déambulaient. À vue d’il, ils avaient des heures de mer.

Une hôtesse souriante m’accompagna à ma cabine, pardon, à ma « suite », comme précisé par la compagnie. À juste titre, la superbe chambre ne faisant pas moins de 27 m2 : lit double, salle de bains en marbre avec baignoire, produits de toilette de marque et pléthore de serviettes, dressing, bureau, télévision, lecteur de DVD, salon, minibar Sur la table, une bouteille de champagne frappé et des fruits. On avait poussé l’attention jusqu’à mettre bien en évidence sur le bureau du papier à lettres avec cet en-tête : « From the Suite of Miss Coumba Diop. » Ah ! j’oubliais, il y avait aussi une véranda avec une table et deux chaises longues pour rêvasser face à la mer.
Le prix d’une telle merveille : 1 200 euros par jour et par personne. À ce tarif-là, on jouit de la cabine et du forfait tout-inclus qui comprend les repas (dignes d’un trois étoiles Michelin), le champagne et autres alcools à volonté ainsi qu’un room-service disponible 24 heures sur 24. Si on veut se faire masser, il faut compter dans les 100 euros, et sortir la même somme pour les excursions. Sans parler du hammam et du casino. Mais les riches n’ont pas peur de dépenser. Un passager a payé 150 000 dollars après être resté plus de deux mois dans une suite de 80 m2. Quant à ceux qui passent quatre mois et demi à sillonner les mers, c’est sans ciller qu’ils déboursent 200 000 euros.

la suite après cette publicité

Comment peut-on rester autant de temps sur un bateau, si luxueux soit-il ? « C’est parce qu’il y a un service exceptionnel, affirme le directeur du navire. Notre clientèle veut du haut de gamme. C’est pourquoi elle évite les bateaux de deux mille personnes où il faut faire la queue pour dîner. » Il est vrai que la seule queue que j’ai vue était celle du homard dans mon assiette ! Les 282 passagers pouvaient voguer tranquilles ; peu de gens ont les moyens de se payer une telle croisière.
Il faudrait organiser des « réalités tours » pour ces personnes qui n’ont plus aucun contact avec la vraie vie : un safari au Darfour ou une virée au Bangladesh. Avec le spectacle qui leur tomberait dessus comme une lame de fond, elles ne manqueraient pas de redescendre très vite sur terre.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires