Yemi Alade, « la musique est un pont entre l’Afrique et le reste du monde »

Yemi Alade, toujours flamboyante et énergique, revient sur sa carrière d’artiste et son combat pour les femmes alors qu’elle sort « Rain », son dernier clip.

Yemi Alade, lors d’un concert au Trianon, à Paris, le 4 avril 2017. © Youri Lenquette pour JA

Yemi Alade, lors d’un concert au Trianon, à Paris, le 4 avril 2017. © Youri Lenquette pour JA

Publié le 17 juillet 2021 Lecture : 5 minutes.

Qu’importe l’année, qu’importe son âge et qu’importe la période, la chanteuse nigériane Yemi Alade n’a jamais cessé de nous faire danser, depuis son premier coup d’éclat de 2013. Après avoir remporté un télé-crochet (le Peak Talent Show en 2009), elle réalise un clip sur la chanson « Johnny » et fait un carton : 100 millions de vues. Bien décidée à fouler cette route du succès, elle enchaîne avec « King Of Queens » (2014), « Mama Africa » (2016), « Black Magic » (2017), ou encore « Woman of Steel » (2019).

Prolifique, mais aussi reconnue, Yemi Alade collectionne les récompenses. Artiste féminine de l’année 2015 aux Nigeria Entertainment Award, elle se voit décerner le prix de l’Independent Music Award pour le meilleur album et le MTV Africa Music Award au titre de « meilleure femme » en 2016. Avec sa poigne de fer, l’artiste s’impose comme une référence de la musique africaine et une star incontournable de la scène internationale. Même Beyoncé lui court après et la fait participer à son titre « Don’t Jealous Me, » extrait de The Lion King : The Gift, en 2019.

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Impératrice de l’afro-pop

En 2020 ? Là non plus, rien ne l’arrête. Alors que l’industrie culturelle est paralysée partout dans le monde par la montée en puissance du Covid-19, Yemi Alade n’a pas l’air d’y voir un obstacle et continue de créer. Elle se dévoile en impératrice de l’afro-pop avec son dernier album Empress, et sort en ce mois de juin 2021 son clip « Rain », extrait de ce dernier opus. Elle en raconte sa genèse.

« On était début 2020, j’étais à Amsterdam. Le coronavirus commençait à s’immiscer dans nos vies, doucement, même au Nigeria. À ce moment-là, je me sentais accablée par la situation, entame celle qui a l’habitude de mettre ses sentiments en chansons. Alors ça m’a donné envie de rappeler aux gens qui m’écoutent, à la lumière de cette situation, qu’à la fin de la journée, on est juste des humains : qu’importe d’où l’on vient, qu’importe ce que l’on fait pour vivre, on est tous logés à la même enseigne et on espère que demain sera meilleur. On a arrêté de s’intéresser à ce que c’est qu’être vivant, on a arrêté d’être doux avec les autres. Or, on a tous les mêmes besoins, qu’on vive à Paris ou au Nigeria. On a tous besoin d’air pour respirer, d’eau pour boire, de nourriture pour manger, d’un toit pour s’abriter… » Voilà, en gros, ce qui a donné naissance à la chanson « Rain », portée par les chœurs de la chorale Mzansi Youth Choir.

Donner vie au son

Souvent surnommée la reine nigériane des clips, Yemi Alade a l’art de s’illustrer en vidéos éclatantes. « Rain » vient compléter la légende. Faire de la musique résulte de tout un processus, et la vidéo est essentielle afin de donner vie au son : « C’est une road map de là où je suis passée pendant ce voyage créatif », résume-t-elle. Il faut donc tout donner. « We are one people under the sun », chante-t-elle, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil sur les collines de Johannesburg, en Afrique du Sud. La nature verdoyante rencontre des costumes aux mille et une couleurs, typiques de l’univers de l’artiste.

La performance dansante et entraînante de « Rain » rappelle qu’avec les confinements, tous ces plaisirs se sont arrêtés. Le quotidien de Yemi, comme pour la plupart des chanteurs du monde, a radicalement changé : plus de concerts, plus de grands espaces, plus de chorales ni de danses enivrées. Ce sont des choses qui lui ont manqué, reconnaît-elle.

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Plutôt que de s’en lamenter, Yemi a choisi de réinventer son approche créative : « Il a fallu que je me serve de mon imagination… Je suis allée naviguer sur internet et j’ai lu de nombreuses histoires racontées par les gens. Ça m’a donné envie de revenir aux sources de ce qui nous lie et de rappeler qu’on est tous les mêmes quand on supprime les barrières qu’on a érigées entre les sociétés. »

Ambassadrice de bonne volonté

Abolir ces frontières, c’est là pour elle tout le rôle de la musique, qui serait « une sorte de pont entre l’Afrique et le reste du monde », du moins pour sa génération d’artistes, confie-t-elle. Ce serait aussi un moyen d’éduquer en touchant le plus grand nombre de personnes, et de permettre aux femmes de s’élever. « En Afrique, c’est comme partout ailleurs, le double traitement pour homme et femme se perpétue. Pour réussir ? On doit en faire dix fois plus en tant que femme. On doit se faire entendre, batailler pour être prise au sérieux, en particulier ici », reprend-elle.

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Pour être de celles qui parviennent à dire « non » et à se faire un nom, Yemi Alade doit beaucoup à une femme, justement, à qui elle rend souvent hommage au fil de ses textes. Il s’agit de sa mère, qui l’a aidée depuis le premier jour à affirmer sa volonté de chanter. « C’est difficile de dire : je veux être une artiste, en Afrique. Même si les mentalités tendent à changer sur les industries créatives, qui sont de mieux en mieux considérées. Il y a quand même un peu cette idée que ce n’est pas une profession, on se dit que c’est un hobby mais que ça ne permettra pas de se nourrir, ni de faire vivre la famille », souligne-t-elle.

La musique et les messages qu’elle porte peuvent aider les femmes à prendre conscience qu’elles ont une voix »

Cette lutte pour la condition des femmes est primordiale pour Yemi Alade, qui voudrait ne pas simplement laisser son empreinte d’artiste, mais aussi marquer son temps via son implication pour les causes qui lui tiennent à coeur. Voilà ce qui la porte dans sa fonction d’ambassadrice de bonne volonté dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), pour laquelle elle a été nommée le 23 septembre 2020 dernier.

« Pour ces femmes, tout est différent : leur accès à l’éducation, la violence qu’elles subissent, leur salaire, la façon dont elles sont protégées », insiste-t-elle. La chanteuse aimerait ajouter une pierre à cet édifice-là, aussi difficile soit la tâche. En transmettant notamment l’option d’un ailleurs : « La musique et les messages qu’elle porte peuvent aider les femmes à prendre conscience qu’elles ont une voix, que d’autres vies sont possibles, qu’elles peuvent aller au-delà des obstacles et surtout, qu’elles ne sont pas seules dans cette bataille. »

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