André Brink et son double

Au soir de sa vie, un écrivain se remémore toutes les femmes qu’il a aimées, s’attardant par là même sur l’histoire tourmentée de l’Afrique du Sud.

Publié le 10 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Dès les premières pages, une phrase un brin machiste fait craindre le pire : « Toutes les bonnes choses doivent se ratatiner et avoir une fin ; et cela ne concerne pas seulement les femmes mais les hommes aussi, qui, comme tout le monde, succombent à cette satanée attraction terrestre. » Mais comme c’est André Brink qui écrit cela, on lui accorde le bénéfice du doute et on continue la lecture. On ne le regrettera pas. Les 480 pages qui composent L’Amour et l’Oubli se laissent dévorer sans le moindre ennui.
Cet ouvrage de l’auteur d’Une saison blanche et sèche, prix Médicis en 1980, ressemble peu aux romans qui l’ont précédé. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait un roman mais une sorte d’autobiographie (faussement ?) pudique dont le narrateur est un écrivain sud-africain engagé. Chris Minnaar n’a plus 20 ans depuis longtemps. C’est un jeune homme « vert » de 78 ans dont la femme qu’il aimait vient de mourir dans un accident. Et l’évocation de cette femme, Rachel, s’inscrit en écho à toutes celles qui l’ont précédée.
Commence alors un long catalogue composé de rousses, de blondes, de brunes, de métisses, et qui va de la petite Katrien, la toute première amoureuse, à Jenny, qui « gardait les yeux ouverts au moment de l’orgasme », en passant par Anna, Daphné, Frances, Helena, Kathy, Maike, Maria, Marion, Mia, Tania ou encore Vanessa. Immanquablement, on pense à Don Juan. Personnage qui revient d’ailleurs comme un leitmotiv dans les discussions entre le trio peu banal que forment Chris, Rachel et George, le légitime de cette dernière.
Mais il serait injustice de réduire L’Amour et l’Oubli aux confessions d’un Don Juan abordant l’hiver de sa vie. Cet ouvrage de Brink, dont la traduction française paraît aux éditions Actes Sud en même temps que son dernier roman, L’Insecte missionnaire, est aussi pour lui l’occasion de s’attarder sur l’histoire tourmentée de son pays. Le narrateur reviendra donc sur son engagement politique, aux antipodes de celui de son père, son exil éphémère et son retour au bercail décidé « pour le meilleur ou pour le pire ».
Cette biographie fictive répond aussi à une éternelle question : pourquoi écrire ? « Au début, et tout au long de ma vie, me semble-t-il, j’ai cru que j’écrivais pour m’accrocher, ne pas lâcher maintenant, j’ai appris que l’inverse était vrai. Nous n’écrivons pas pour nous accrocher mais pour lâcher prise. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires