La machine Obama

S’inspirant de la lutte pour les droits civiques, les partisans du sénateur de l’Illinois se montrent d’une redoutable efficacité. Même, et surtout, pour la collecte des fonds.

Publié le 10 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Il a du charisme et fait vibrer les foules, mais manque de substance et d’expérience. Telle est l’idée que nombre de commentateurs se faisaient de Barack Obama il y a encore quelques mois. Autrement dit : sa candidature est sympathique, mais n’ira pas bien loin. Aujourd’hui, même si la route vers la Maison Blanche est encore longue, le sénateur de l’Illinois s’est imposé comme un possible finaliste dans la course à la succession de George W. Bush. Et même, selon plusieurs sondages, comme la meilleure chance des démocrates pour l’élection présidentielle du 4 novembre.
Comment a-t-il réussi à déjouer les pronostics et à bousculer la puissante machine électorale du couple Clinton, qu’on a vu à plusieurs reprises au bord de la panique ? Pour le comprendre, il faut aller au-delà de « l’effet Obama » et s’intéresser au fonctionnement de sa machine, l’« Obama Campaign ». Pour l’éditorialiste Joe Klein, de l’hebdomadaire Time, « une campagne présidentielle constitue avant tout un test de la capacité des candidats à penser à la fois stratégiquement et tactiquement et à gérer une organisation complexe ». Or, des trois principaux candidats encore en lice, Obama lui paraît être, de loin, le meilleur « executive ».
Preuve que le jeune sénateur est tout sauf un idéaliste, il a, avant de se lancer, pris soin de régler la question décisive du nerf de la guerre. Tenir le rythme d’un tel marathon électoral nécessite, comme l’on sait, beaucoup d’argent. Obama s’est donc mis en quête très tôt. Dès 2006, une petite armée d’experts financiers – les mêmes qui, en 2004, l’aidèrent à conquérir son siège de sénateur – est mise sur le pied de guerre. Parmi eux, des banquiers de Wall Street, des managers du Midwest, des conseillers de sociétés de capital-risque de la côte ouest Ils vont s’attacher à constituer un réseau de soutiens à l’échelle nationale, de sorte que des sommes très importantes puissent être débloquées dès que leur champion aurait annoncé sa décision de briguer l’investiture démocrate. Les résultats dépassent les espérances.
Les deux premières opérations de fund raising permettent à Obama de lever 58,5 millions de dollars, soit 4 millions de plus qu’Hillary Clinton. Fin 2007, son trésor de guerre s’élève à 100 millions de dollars. Un record à ce stade de la compétition. Bref, avant même le début des hostilités, il est déjà un adversaire à prendre très au sérieux.
La particularité de sa stratégie financière, très différente de celle de son adversaire démocrate, est qu’elle met à contribution aussi bien de gros donateurs qu’une foule de petits contributeurs – jeunes, indécis, électeurs blancs potentiels – méthodiquement démarchés au porte-à-porte. À cela s’ajoutent, plus classiquement, les dîners de collecte de fonds, où plusieurs centaines « d’adultes ayant les moyens » versent chacun 2 300 dollars avant même le premier coup de fourchette. Lors des réunions populaires, qui rassemblent presque toujours plusieurs milliers de personnes, chaque participant est prié de contribuer selon ses moyens : 10, 25 ou 50 dollars. Cette dynamique est encore amplifiée par Internet, où chacun donne ce qu’il veut. On estime que les sommes collectées par ce biais avoisinent 1 million de dollars par jour.
Mais si l’argent afflue ainsi dans les caisses, Obama le doit avant tout à l’efficacité et à la disponibilité de l’équipe de militants rassemblés autour de lui. Treize mille volontaires ont ainsi été engagés dans le ground game – « bataille sur le terrain » – qui a permis au sénateur noir de gagner la primaire de Caroline du Sud. Lors du « super mardi » du 5 février, 75 000 volontaires ont été mobilisés dans les vingt-deux États en jeu. À la radio, à la télévision, sur les panneaux d’affichage, dans les tracts déposés dans les boîtes aux lettres, ses campagnes publicitaires sont calibrées au millimètre. Et ses apparitions publiques mises en scène comme celles d’une rock star.
Pour en arriver là, Obama a dû séduire une partie appréciable de l’électorat blanc, des classes moyennes, des jeunes, des femmes, des Latinos, mais aussi des Africains-Américains, ce qui n’était pas acquis d’avance. Et force est de reconnaître que le militantisme de ses troupes, largement inspiré de la lutte pour les droits civiques, a fait merveille. Longtemps favorables au clan Clinton, les Africains-Américains ont ainsi fini, il y a deux mois, par basculer en bloc (90 %) dans celui d’Obama. C’était important dans la mesure où aucun candidat démocrate n’a jamais été élu à la Maison Blanche sans s’être au préalable assuré de la majorité de leurs votes. Mais ces déchirements ont laissé des traces jusque dans de nombreuses familles noires. À l’instar de celle de Jesse Jackson, l’ancien candidat à l’investiture démocrate. Comme son fils, le révérend est aujourd’hui rallié à Obama – après avoir longtemps hésité -, alors que Jacqueline, son épouse, est restée fidèle à Clinton
Dans l’Iowa, lors de la première primaire remportée par Obama, son équipe a privilégié le contact direct, organisé d’innombrables micro-réunions pour discuter de problèmes locaux, tenu des dizaines de tables rondes dans les zones rurales, parfois avec la participation de pasteurs. Des volontaires ont multiplié les contacts avec des propriétaires de salon de coiffure, des prédicateurs, des enseignants, des responsables de « fraternités », des leaders d’opinion Une stratégie du bouche à oreille.
Il a fallu « draguer » les syndicats, séduire des personnalités de premier plan comme les membres du clan Kennedy ou Oprah Winfrey, la diva du petit écran. Et puis, bien sûr, s’attirer les bonnes grâces de célébrités du show business. La crédibilité de Barack Obama chez les jeunes a été renforcée lorsqu’un clip vidéo signé par des stars telles que John Legend, Scarlett Johansson ou Will.i.am, du groupe Black Eye Pea, a crevé l’écran de la blogosphère en reprenant le fameux slogan de la campagne : « Yes we can ». Oui, ils le peuvent. Enfin, en principe

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires