Faut-il boycotter Israël ?

À l’approche du Salon du livre de Paris dont l’État hébreu est l’invité d’honneur, la polémique enfle. À tel point qu’on en oublierait presque que la plupart des écrivains invités uvrent à la paix et que tous brillent par leur talent.

Publié le 10 mars 2008 Lecture : 2 minutes.

C’est entendu. L’ensemble des organisations professionnelles du monde arabe boycotteront le Salon du livre de Paris qui se tiendra du 14 au 19 mars. Au Parc des expositions de la porte de Versailles, les stands des éditeurs algériens, marocains et tunisiens, qui, placés côte à côte, constituaient ces dernières années un pôle d’attraction important, seront déserts.
On connaît l’argumentation des partisans de la politique de la chaise vide. Ce ne sont pas les trente-neuf écrivains israéliens conviés qui sont infréquentables. Beaucoup d’entre eux, à commencer par David Grossman et Amos Oz, sont connus pour uvrer sincèrement à la paix. Mais honorer Israël à l’occasion du soixantième anniversaire de sa création, en mai 1948, c’est célébrer en même temps la défaite des Arabes. C’est saluer la politique d’un pays qui nie les droits des Palestiniens à avoir leur propre État et qui, sur son sol, maintient les non-Juifs dans un statut de citoyens de seconde zone.
Certains vont jusqu’à comparer l’État hébreu à l’Afrique du Sud de l’apartheid. À quoi l’on peut rétorquer que cette dernière, quand bien même elle aurait fait l’objet d’une telle invitation, n’aurait jamais été représentée par des écrivains hostiles à la politique de ségrégation. Sans parler des Noirs, privés de tout droit, les Brink, Breytenbach et autres Gordimer étaient censurés.
Les écrivains arabes, maghrébins en particulier, se sont peu exprimés sur la question. Du côté des opposants au boycott, on a surtout entendu la voix de Tahar Ben Jelloun. Le romancier marocain a parlé de « guerre contre la culture ». Notre ami Fouad Laroui n’est pas loin de penser la même chose. L’Égyptien Alaa al-Aswany, l’auteur du célèbre Immeuble Yacoubian, viendra à Paris signer son deuxième roman, Chicago, sur le stand d’Actes Sud, tout en promettant de dénoncer activement la présence d’Israël.
Reste que si la venue des Israéliens à Paris a été organisée de longue date, la caution morale délivrée aujourd’hui à un pays dont l’armée massacre quotidiennement des civils palestiniens tombe particulièrement mal. Par ailleurs, aussi respectables soient-ils, les auteurs qui feront le déplacement écrivent tous en hébreu, y compris un Arabe, Sayed Kashua. S’il est cohérent sur le plan intellectuel, ce choix est lui aussi politiquement malencontreux. Réduire la création littéraire de ce pays à sa seule expression hébraïque, alors que les publications en arabe, mais aussi en anglais, en russe, voire en français abondent, donne une fâcheuse impression d’affirmation identitaire.
Dans les pages qui suivent, et alors que Jean-Luc Allouche, l’un des meilleurs spécialistes de la question, brosse un tableau de la littérature israélienne actuelle, notre collègue et romancière Fawzia Zouari prend fermement parti pour le boycott. Son point de vue n’est pas celui de l’ensemble de la rédaction. Pour nous, le débat reste ouvert.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires