Si loin d’Abidjan

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Au cur d’une région où ne soufflent que des vents tièdes chargés
d’odeurs de poudre, sans doute est-ce là que l’on respire l’air le plus frais. Pour qui s’y rend aujourd’hui en provenance d’Abidjan au bord de la guerre civile, de Ouagadougou sous haute tension ivoirienne ou de Lomé anesthésié par les sanctions économiques, Accra est un havre
de paix so british avec ses quartiers résidentiels proprets, ses fast-foods
illuminés, son boom immobilier et son culte de l’argent discret, à mille
lieues des pétronairas tapageurs de Lagos, la Babylone nigériane. Quand
on sait, en outre, que les dirigeants ghanéens ont le bon goût d’éviter toute
arrogance, s’excusant presque de profiter des malheurs de leurs voisins,
on se dit que ce pays est en passe de devenir ce que fut la Côte d’Ivoire
à l’époque d’Houphouët : une référence et un pôle d’attraction pour
l’Afrique de l’Ouest.

Sur son double francophone auquel l’opposa longtemps une sourde rivalité, le Ghana a l’avantage d’avoir connu et expérimenté les échecs avant la réussite. Alors que les Ivoiriens, encore sous les effets du Prozac du docteur Félix, n’ont toujours pas vraiment compris pourquoi s’est effondrée ce qui n’était dans le fond qu’une simple vitrine, les Ghanéens, eux, ont tiré les leçons du passé. Les coups d’État, les assassinats, le marasme économique, les affrontements interethniques, ils ont vécu tout cela et en sont revenus sous l’impulsion à la fois d’une élite intellectuelle et financière plus sophistiquée qu’en Côte d’Ivoire et d’une tradition anglo-saxonne plus proche de l’État de droit. Au pouvoir depuis un peu plus de deux ans dans le cadre d’une véritable alternance démocratique, John Kufuor incarne cette double filiation. Pour cet admirateur de John Stuart Mills et de Lee Kwan-yew, le modèle de développement est asiatique et le socle de la démocratie repose sur la classe moyenne, laquelle ne peut croître et prospérer que dans un climat de liberté.

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Certes, tout cela demeure bien fragile. L’expérience démocratique ghanéenne n’est pas à l’abri d’une restauration autoritaire menée par une armée qui ne s’est toujours pas remise de la défaite indirecte du charismatique Jerry John Rawlings. L’économie reste pénalisée par sa lourde dépendance à l’égard du binôme or-cacao. Enfin, et même si son statut de président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest devrait lui permettre de jouer un rôle de premier plan dans le règlement de la crise ivoirienne, John Kufuor n’a pas encore su redonner à son pays toute la place qu’il mérite sur la scène panafricaine.
Mais, pour une fois, l’optimisme est ici raisonné. Dans un environnement lourd de menaces et encombré de régimes en sursis, la quiétude ghanéenne pourrait presque prendre des allures de success story…

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