Parlez-vous ghanéen ?

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Mais qu’ont-ils donc à vouloir parler français, ces Ghanéens ? N’estce pas en partie grâce à leur maîtrise de la langue de Shakespeare qu’ils sont accueillis à bras ouverts à l’université d’Oxford ou à Yale et qu’ils intègrent facilement les organisations internationales, jusqu’à avoir un de leurs représentants au poste le plus prestigieux, le secrétariat général de l’ONU ? Quel étonnement pour un francophone, à qui l’on ne cesse de répéter « hors de l’anglais, point de salut », de s’entendre dire que ne pas posséder le français est un handicap Si, quand vous parlez à un Ghanéen, il décèle une légère pointe d’accent, vous aurez droit immédiatement à la rengaine : « Bonjour, comment ça va ? Unfortunately, I can not speak French, it is sad(*). »

Le Ghana est décidément différent. L’ex-colonie de l’Empire britannique, perdue au milieu d’un océan d’États longtemps placés sous tutelle française, est devenue un exemple à suivre pour ses voisins francophones en étant le premier pays d’Afrique subsaharienne à obtenir l’indépendance, en 1957. De l’influence britannique, il a gardé les uniformes des écoliers, l’esprit d’entreprise, l’acharnement au travail et un certain franc-parler. Accra, la capitale, est un modèle de propreté admiré par les habitants de Lomé, d’Abidjan ou de Ouagadougou. À l’image de leurs chefs d’État, qui ne sont jamais tombés dans les excès de luxe ostentatoire de certains de leurs homologues francophones, les Ghanéens sont discrets et réservés. S’ils reconnaissent facilement que la vie est dure, rares sont ceux qui s’épancheront sur leurs malheurs auprès d’un étranger.
John Kufuor, au pouvoir depuis 2001, vient d’être nommé à la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), au moment où toute la sous-région est secouée par la crise ivoirienne. Bouée de sauvetage et garant d’une certaine neutralité, Kufuor a – ça tombe bien – très vite initié une opération de rapprochement avec ses voisins francophones. Ne pas appartenir à la zone monétaire qui unit les trois pays limitrophes est un obstacle suffisant pour ne pas, en plus, s’attirer l’indifférence (au mieux) ou l’inimitié (au pire) des autres chefs d’État.
Mais Kufuor a récemment reconnu qu’il avait un problème : il ne parle pas français. Il en est parfois gêné lors des réunions avec ses collègues de la Cedeao, au point de souhaiter qu’aucun de ses jeunes compatriotes ne se trouve un jour dans une situation semblable. Il a donc décidé de généraliser l’enseignement du français dans les écoles. Deux nouveaux centres de formation des professeurs ont ouvert le mois dernier au Ghana, en partie avec le soutien de la France. Mais seuls mille enseignants exercent aujourd’hui. Pour bien faire, il en faudrait au moins cinq mille de plus. Avis aux amateurs…
Même si beaucoup de Togolais habitent Accra, et que l’on peut y croiser des Béninois, les villes ghanéennes restent peu fréquentées par des voisins qui, à l’inverse, appréhendent de parler anglais. La France, si présente autour, n’a qu’une petite ambassade dans la capitale. Mais, comme le reconnaît un spécialiste de la musique ghanéenne : aujourd’hui, pour assister à de bons concerts de musique traditionnelle ou contemporaine du Ghana, il faut fréquenter les francophones ou l’Alliance française… Il n’y a pas qu’aux Nations unies que les francophones vantent leur exception culturelle. Et, au Ghana peut-être plus qu’ailleurs, on les envie.

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