Opération séduction

Le ministre français délégué au Commerce extérieur François Loos s’est donné un objectif : renforcer le partenariat entre les deux pays.

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

L’hélicoptère atterrit au milieu des balles de coton, sur le site de l’usine Fludor, à Cana, près de Bohicon. François Loos, ministre français délégué au Commerce extérieur, descend de la machine dans un tourbillon de latérite. Tous les employés de l’usine de transformation des graines de coton l’attendent aux côtés du préfet du département du Zou, au nord de Cotonou. La visite de François Loos au Bénin, du 27 au 28 février, est d’importance : c’est la première fois qu’il met le pied sur le continent africain en tant que ministre.
La date n’est pas innocente. Si le déplacement s’est décidé à la dernière minute, il a lieu une petite semaine après les déclarations de Jacques Chirac, à l’occasion du Sommet France-Afrique à Paris. Le président français avait annoncé avec fracas qu’il serait en faveur d’une suspension, par les pays développés, de la hausse des subventions agricoles accordées à leurs paysans. Il avait également promis à ses homologues africains qu’il tenterait de convaincre les pays du G8 de la voter, lors du prochain sommet à Évian (France), du 1er au 3 juin (voir encadré).
François Loos est donc le premier ministre français à venir officiellement porter la bonne parole sur place. Et il n’a pas manqué à ses engagements. Lors de ses rencontres avec Bruno Amoussou, ministre d’État chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, du Plan, du Développement et de la Prospective, Grégoire Laourou, ministre de l’Économie et des Finances, Lazarre Sèhouéto, ministre du Commerce, de l’Industrie, du Développement communautaire et de la Promotion de l’emploi, et Théophile Nata, ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, ainsi qu’avec le président Mathieu Kérékou, il n’a eu de cesse de répéter que « l’intérêt des Africains est d’obtenir le meilleur système de préférences commerciales », parmi les nombreux systèmes existants.
Et pour la France, cela ne fait aucun doute : entre l’initiative européenne « Tout sauf les armes » (TSA) et l’African Growth Opportunity Act américain (Agoa), qui permettent l’exportation de produits africains en Europe et aux États-Unis à tarifs douaniers préférentiels, la première est clairement plus avantageuse pour l’Afrique. « La Banque mondiale a fait des simulations, explique le ministre français. Si TSA était suivi par les Américains, le Produit intérieur brut (PIB) des 49 pays éligibles connaîtrait une croissance de 15 %. Grâce à l’Agoa, les Africains bénéficient d’une entrée de leurs textiles aux États-Unis, renchérit-il, à condition que ce textile soit fabriqué avec du fil de coton américain. » Les réunions de travail avec les officiels et les professionnels des secteurs du coton et de la santé ont également permis au ministre de mieux comprendre les besoins de ses interlocuteurs. Mais aussi de répéter à l’envi que la France est un meilleur partenaire pour le Bénin, et pour l’Afrique en général, que les États-Unis, malgré l’efficace communication de ces derniers.
Car c’était bien là l’enjeu de la visite. Le coton et les médicaments, qui ont été les grands sujets de discussion entre les officiels béninois et français, sont deux des grandes batailles que la France – par l’intermédiaire de son ministre au Commerce extérieur – mène à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Et, tout comme au sein des Nations unies, elle a besoin d’alliés. Au moment même où le ministre délégué rencontrait le président Kérékou, un accord tacite était conclu entre le représentant français à l’OMC et ceux de pays africains, dont le Bénin, stipulant que la France communiquerait aux Africains le détail des négociations et les aiderait à formuler leurs demandes et propositions. « Le principal problème de l’Afrique, et notamment du Bénin, c’est la non-maîtrise des règles du jeu dans les négociations à l’OMC, explique Lazarre Sèhouéto, ministre béninois du Commerce et de l’Industrie. L’apport technique de la France pour nous renforcer est très apprécié. »
Le voyage de François Loos au Bénin est de bon augure pour son prochain déplacement – annoncé pour les semaines à venir – dans un autre pays cotonnier : le Mali. Du côté béninois, si on se réjouit de cette visite qui a permis d’« aborder les grands problèmes de réajustement, et d’améliorer les relations entre les deux pays », on souligne quand même que « la France et l’Europe ont encore des efforts à fournir pour rendre accessibles leurs marchés aux produits africains. Si les subventions continuent, les produits africains resteront très peu compétitifs ».
Une chose est sûre : diplomatiquement, en tout cas, la France de Chirac tente de mettre toutes les cartes africaines de son côté. Elle ne peut pas rater le coche du sommet d’Évian, au risque de perdre pour longtemps encore ses alliés africains.

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