Nomadic park

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

C’est la face honteuse, l’anomalie indéfendable du dossier saharien. Le 26 février 2003, un avion de la Croix-Rouge, en provenance de Tindouf en Algérie, se pose sur l’aéroport d’Agadir. Cent ex-prisonniers de guerre marocains, libérés par le Polisario après un quart de siècle de captivité, descendent un à un la passerelle. Beaucoup titubent et doivent être soutenus. Tous ou presque pleurent. Sur les quelque 2 300 militaires des Forces armées royales (FAR), détenus par les indépendantistes du Front au moment de l’instauration du cessez-le-feu en septembre 1991, 1 160 croupissent encore dans les camps spéciaux de la hamada de Tindouf, sans autre espoir qu’une libération au compte-gouttes, la pire qui soit. Longtemps, en vertu d’une implacable fierté nationale, le Maroc a refusé de reconnaître leur existence, avant d’exiger tout ou rien, c’est-à-dire l’élargissement de la totalité des prisonniers. Mais, à partir de 1995, les autorités de Rabat ont fini par accepter ces retours par groupes de cent à deux cents – et de faire leur deuil de ceux qui ne reviendront jamais, les morts en détention bien sûr, et surtout les quelque neuf cents disparus qui figurent sur les listes de l’armée marocaine, mais pas sur celles que le Front a remises au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Le millier de détenus des FAR, toujours aux mains du Polisario, est réparti entre un « quartier central des prisonniers de guerre », situé à proximité de Rabouni (le QG des indépendantistes, à 25 km au sud de Tindouf) et deux « centres régionaux » dépendant des camps de Laayoune et de Dakhla (respectivement à 13 km à l’est et à 170 km au sud-est de Tindouf). Même si les mauvais traitements qui leur sont infligés ont considérablement diminué depuis la proclamation du cessez-le-feu, beaucoup souffrent encore des séquelles des brutalités et des humiliations subies entre 1975 et la fin des années quatre-vingt. Psychoses et dépressions nerveuses sont fréquentes, et le vieillissement prématuré est la règle.
Certes, les indépendantistes sahraouis ont eu, eux aussi, leur lot de prisonniers et leur lourd quota de disparus pendant les années noires. Mais au moins peut-on aujourd’hui en parler au Maroc et, à l’instar de plusieurs ONG nationales (le Forum vérité et justice) ou étrangères (France Libertés), enquêter sur ce sujet. Le Polisario, lui, demeure inébranlable. Ossifié dans les sables du Sahara, il a résisté à la chute du mur de Berlin et au grand vent des droits de l’homme. Son leadership ne s’est jamais soumis à aucune élection démocratique et son horloge historique s’est arrêtée aux années soixante-dix. Jusqu’à quand l’Algérie qui, elle, a su évoluer, continuera-t-elle de faire comme si cet étrange Nomadic Park, installé sur son sol, pouvait continuer ainsi de vivre hors du temps ?

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