Le Covid-19 a changé l’attitude des populations face aux vaccins

Entre mars et juin 2021, Médecins sans frontières a vacciné plusieurs centaines de milliers d’enfants nigériens contre la rougeole et la méningite. Mais le Covid-19 a compliqué ces campagnes.

MSF a effectué une campagne de vaccination contre la rougeole, en collaboration avec le ministère de la Santé, à Niamey (Niger), entre mars et juin 2021. © Lamine Keita/MSF

MSF a effectué une campagne de vaccination contre la rougeole, en collaboration avec le ministère de la Santé, à Niamey (Niger), entre mars et juin 2021. © Lamine Keita/MSF

Dr Maman Karsou, coordinateur d’urgence au Niger, responsable des campagnes de vaccination entre mars et juin 2021. © Mario Fawaz/MSF
  • Maman Karsou

    Médecin nigérien, membre de Médecins sans frontières

Publié le 20 juillet 2021 Lecture : 4 minutes.

Autant que je m’en souvienne, au cours de ma carrière, j’ai participé à douze campagnes de vaccination avec les équipes de Médecins sans frontières (MSF). La vaccination est une activité que nous menons régulièrement dans de nombreux pays dans lesquels nous travaillons, à plus ou moins grande échelle, selon les besoins. Cette année, de mars à juin 2021, elle s’est avérée toutefois pleine de défis au Niger.

Le premier de ces défis, auxquels nous avons dû faire face, est la réduction notable de la couverture vaccinale, en comparaison des années précédentes. Par exemple, à Niamey, où j’ai coordonné les activités de cette campagne de vaccination, aucun district sanitaire n’a atteint 85 % de couverture contre la rougeole, en 2020. Elle doit atteindre 95 % pour être optimale et protéger au mieux la population, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Si cette tendance se confirme et s’aggrave, cela pourrait conduire à des flambées épidémiques plus dures dans les prochaines années.

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Contrairement aux années précédentes, cette année, nous avons observé une certaine confusion au sein des communautés entre la vaccination contre le Covid-19 en cours, menée par les équipes du ministère de la Santé publique, et la vaccination de rattrapage contre la rougeole, engendrant la réticence des populations et donc leur faible taux de participation.

À Niamey comme à Magaria, nos équipes ont fait face aux rumeurs et fausses informations qui circulent depuis l’année dernière autour du vaccin contre le coronavirus. Elles ont fortement impacté le respect du calendrier vaccinal et, désormais, les communautés doutent des vaccins qui leur sont administrés. Et cela est sans doute notre plus grand défi.

Des populations réticentes

Pourtant, je me souviens par exemple qu’en 2015, pendant la dernière grosse épidémie de méningite au Niger, les gens se rendaient à la pharmacie pour acheter eux-mêmes le vaccin. Ces mêmes parents ne lui font apparemment plus confiance aujourd’hui.

Le second défi à relever est celui de l’impact socio-économique sur les systèmes de santé. Cette année, nous avons fait face, au Niger, à un retard dans l’acquisition des vaccins contre la méningite et la rougeole, à la suite d’une diminution dans le stock annuel des vaccins.

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Paradoxalement, depuis le début de la pandémie du Covid-19, on a vu une plus grande mobilisation des financements pour le développement des vaccins contre le coronavirus ou pour la prise en charge des patients atteints du Covid-19 partout dans le monde. Pourtant, dans les pays qui sont les plus vulnérables aux épidémies (comme le Niger), l’une ne remplace pas l’autre. Une répartition équitable des fonds doit donc être sécurisée, afin d’éviter une détérioration de la situation sanitaire dans le pays.

Le changement climatique impacte également la survenue des épidémies

Au-delà de ces défis directement liés au Covid-19, il reste une réalité que nous ne pouvons plus ignorer : celle du changement climatique qui impacte également la survenue des épidémies.

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Ainsi, pendant la saison sèche, on sait que la forte poussière, visible des régions comme le Sahel et le Sahara, joue un rôle dans la propagation de la méningite, qui est une bactérie aéroportée. Puis, les épidémies tendent normalement à s’éteindre d’elles-mêmes au début de la saison des pluies. À Niamey, celle-ci commence habituellement en avril-mai, mais cette année, les choses sont différentes : en mai, nous n’avons pas eu le même volume de précipitations que les années précédentes, mais plutôt des phénomènes épisodiques. En parallèle, le nombre de méningite et de rougeole est resté élever. De même à Magaria, qui est pourtant une des zones avec la plus grande pluviométrie au Niger, la saison des pluies devrait normalement avoir débuté en cette période de juillet, mais cette année, ici aussi, on a senti un changement.

En tant que médecin, j’observe, aujourd’hui, que la lutte contre les épidémies telles que la rougeole ou la méningite, ne peut pas s’arrêter au niveau de la prise en charge des malades et des campagnes de vaccination préventives. Alors que le monde fait face à une pandémie de Covid-19, nous ne pouvons laisser vains les efforts qui ont été déployés depuis des années dans des pays comme le Niger pour lutter contre les épidémies.

Le rôle de la population

La situation épidémiologique ne nous permet pas de laisser faiblir les activités de vaccination de routine. On ne doit surtout pas attendre une énième épidémie pour lancer une nouvelle campagne de vaccination. La méningite et la rougeole sont des maladies connues ; elles ne sont pas nouvelles. La population a un rôle très important à jouer dans la lutte contre ces épidémies. C’est avec le concours de tous que l’on arrivera à les éradiquer, comme cela a été le cas dans d’autres pays du monde.

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