La révolution « beurgeoise »

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

«Enfin. » « On nous découvre… » Tous ces enfants d’immigrés maghrébins […] deviennent, quand on s’intéresse à eux, volubiles comme des gens trop longtemps réduits au silence. Beaucoup de ces « beurgeois » veulent montrer qu’appartenir à la vaste classe moyenne « est possible » et « pas si exceptionnel ». Entre un Zidane honoré et les loulous de quartier si souvent montrés du doigt, des centaines de milliers de personnes issues de l’immigration maghrébine sont tellement à l’aise dans la société française « qu’elles en sont devenues invisibles », analyse le sociologue Azouz Begag. Aujourd’hui, dans le contexte post-11 septembre, explique-t-il, « elles sont la preuve qu’être d’origine musulmane n’est pas un obstacle à une vie harmonieuse en France. En réalité, l’intégration est un mot creux. Il faut surtout parler de mobilité sociale ».
Et l’ascension existe. Près de 30 % des enfants d’immigrés nés avant 1968 sont aujourd’hui cadres moyens et supérieurs, voire des petits patrons. Ce pourcentage varie entre 10 % et 18 % pour les fils d’ouvriers étrangers, et se fixe à 11 % pour les descendants d’Algériens, comme le montre une étude conduite par Jean-Luc Richard, chercheur au CNRS. Réalisée en 1990, sur un échantillon de 15 354 personnes de la seconde génération, l’étude révèle une mobilité sociale comparable chez les fils d’ouvriers, que leurs parents soient français ou étrangers. […] Globalement, tous ces enfants font plus d’études que leurs parents. Mais, quand le chômage frappe, le diplôme ne protège plus vraiment, et « l’origine redevient un critère négatif, surtout pour les descendants d’Algériens. […] La bataille pour le premier emploi est donc plus rude. Pour l’éviter, certains ont monté leur propre entreprise, notamment des commerces, comme le confirme une étude de l’association France-Maghreb, qui rappelle que les Nord-Africains sont à l’origine de 6 % des créations d’entreprise. […]
Les petits patrons, souvent des ouvriers devenus indépendants, fréquentent un milieu plus communautaire. Alors que les cadres diversifient les liens. Mais la plupart d’entre eux se dépêchent de quitter leur cité d’origine pour s’installer en ville. Puis ils aident leurs parents à quitter leur HLM après une vie de labeur, pour gagner un pavillon dans la même banlieue. Une fois les devoirs de solidarité familiale accomplis, les loisirs ont la priorité. « Ils ne consacrent plus leurs économies à construire une maison au bled. » Et partent en vacances : mer l’été, ski l’hiver. « On entre dans l’horlogerie française. On participe aux embouteillages », s’amuse Ahmed, comptable en région parisienne. […] « On cesse d’exister en groupe. Mais, pour autant, on ne largue pas son passé si facilement. Il arrive toujours un moment où l’on ressent le besoin de s’engager pour les autres », ajoute ce militant qui met son temps libre au service de petits entrepreneurs d’origine maghrébine.
Depuis le 11 septembre, la solidarité s’inscrit aussi dans le cadre religieux. « La stigmatisation crée des liens », reconnaît Miriam Lamrany, anesthésiste dans une clinique de chirurgie esthétique. « Nous sentons qu’il faut participer à l’élaboration d’un islam de France. C’est un enjeu, même pour les laïcs qui ont bien réussi. »

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