L’« Arabe » du Pentagone

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

L’invasion n’a pas encore commencé qu’un nom circule déjà dans les milieux réputés bien informés : celui du général John P. Abizaid (51 ans), récemment nommé adjoint du général Tommy Franks, chef du US Central Command, qui supervise les préparatifs de l’attaque. Beaucoup le présentent comme l’une des personnalités clés du dispositif américain d’occupation de l’Irak.
Abizaid n’a pas été imposé à Franks, c’est ce dernier qui, par l’intermédiaire de Paul Wolfowitz, le secrétaire adjoint à la Défense, a insisté pendant des semaines auprès du secrétaire Donald Rumsfeld pour l’avoir à ses côtés. Depuis octobre 2001, Abizaid était directeur du comité des chefs d’état-major, plus spécialement chargé de la planification. Donc le numéro deux de cette instance, derrière le général Richard Myers. Rumsfeld refusait de s’en séparer. Wolfowitz était d’accord avec Franks sur les qualités d’Abizaid : « C’est le seul membre des forces armées américaines qui puisse vous aider dans la tâche qui vous attend. » Ils ont fini par arracher la décision, juste après Noël.
Abizaid a démontré qu’il pouvait être un homme de terrain, capable de prendre une décision rapide, voire d’improviser. Commandant d’un commando de rangers lors de l’invasion de l’île de Grenade, en 1983, il fut parachuté sur une piste de l’aérodrome de Point-Salines bloquée par des camions et des bulldozers. Il donna l’ordre à l’un de ses officiers de grimper sur l’un des bulldozers et de relever la pelle de l’engin. Puis, derrière ce bouclier, il fonça sur les troupes cubaines. Trois ans plus tard, Clint Eastwood tirera de l’épisode une scène de son film Le Maître de guerre.
Mais cet homme d’action est aussi un homme de tête. Il a une parfaite connaissance, non seulement pratique mais théorique, de son métier. Né en Californie de parents d’origine libanaise, il est aujourd’hui marié et père de trois enfants. Outre sa formation militaire (West Point), il a fréquenté l’université de Stanford, avant d’aller suivre des cours à l’université d’Amman, en Jordanie, et d’obtenir, à Harvard, un diplôme d’études moyen-orientales. Il parle couramment l’allemand, l’italien et l’arabe. Son atout maître, dans son nouveau job, est qu’il est l’officier supérieur américain qui connaît le mieux le monde arabe.
Abizaid a déjà servi en Irak en 1991, après la fin de la guerre du Golfe. Commandant d’un bataillon aéroporté, il a mené à bien diverses missions de sécurité dans le cadre de l’opération Provide Comfort et participé à l’expulsion de plusieurs unités irakiennes du Kurdistan. Il a, à cette occasion, appris aux combattants placés sous ses ordres à se comporter en forces de maintien de la paix. « Les soldats doivent clairement comprendre les règles de l’engagement et le niveau de discipline nécessaire pour garder leur sang-froid dans les situations les plus explosives », écrivait-il, à l’époque.
Il a aussi servi au Kosovo, en 1999, comme commandant de la Ire division d’infanterie. Une manière de confronter avec la réalité les thèses qu’il avait développées à West Point, dans un exposé sur les divisions ethniques dans les Balkans. Commentaire du général John Shalikashvili, alors commandant en chef adjoint des forces américaines en Europe : « Ses soldats ont confiance en lui. Je suis convaincu qu’ils le suivraient n’importe où, parce qu’ils savent qu’il ne leur fera pas faire n’importe quoi. »

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