L’Afrique prend du poids

Grâce à un taux de fécondité plus élevé qu’ailleurs, les Africains devraient représenter, dans cinquante ans, un quart de la population mondiale.

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

Les modèles de prévisions démographiques ne sont pas aussi fiables qu’on le pense. Ils le sont certes davantage que ceux des prévisions économiques, mais les démographes sont aujourd’hui revenus à plus de modestie. Dix ans auparavant, ils prévoyaient que la population de la planète atteindrait 6,5 milliards d’habitants en 2000. En réalité, sa croissance s’est arrêtée à 6 milliards. Soit un écart de 8 %. En 1990, ces scientifiques tablaient sur une population de 10 milliards de personnes en 2050. Le 26 février, les experts des Nations unies l’évaluaient plutôt à 8,9 milliards, voire moins en fonction de l’évolution de certaines maladies (sida, cancer, paludisme…).
Ces révisions à la baisse s’expliquent par divers facteurs : amélioration de la condition féminine (éducation, santé, travail…) et élévation du niveau de vie général. Tous ces éléments ont des conséquences sur la fécondité des femmes, c’est-à-dire le nombre d’enfants qu’elles peuvent avoir pendant leur vie. À l’échelle mondiale, ce taux est passé d’une moyenne de 4,4 enfants par femme en 1950 à 2,7 pour la période 2000-2005. Il est estimé à 2,05 en 2050. Selon les démographes, une population se maintient à un niveau stable lorsque le taux de fécondité est de 2,1. On peut donc dire qu’à partir de 2050 la population de la Terre pourrait se stabiliser entre 9 milliards et 10 milliards de personnes.
La vitesse à laquelle le taux de fécondité a baissé dans les pays en développement a surpris tous les statisticiens. En Asie, le nombre d’enfants par femme en âge de procréer a été réduit de moitié en cinquante ans. En Afrique du Nord, il est tombé de 8 à 3. Il demeure supérieur à 5 uniquement en Afrique subsaharienne (voir infographies).
Selon la dernière prévision, publiée le 26 février par le département des affaires économiques et sociales de l’ONU (voir www.unpopulation.org), le taux de fécondité de la plupart des pays en développement tombera en dessous de 2,1 enfants par femme. Cette baisse fera « économiser » à la planète la naissance de 3,9 milliards de personnes d’ici à 2050 : 8,9 milliards au lieu des 12,8 (chiffre qui aurait été atteint si le taux de fécondité était stable). Seuls les pays les moins avancés connaîtront encore un taux de fécondité égal à 2,5 malgré une baisse de moitié par rapport au niveau actuel (5,1). Un tel taux implique un quadruplement de la population en moins de cinquante ans dans un certain nombre de pays, comme le Burkina, le Mali, le Niger, la Somalie, l’Ouganda et le Yémen. À l’inverse, la population baissera de 10 % à 30 % dans certains pays développés comme le Japon, l’Italie, l’Allemagne et la Russie.
L’insuffisance des services sanitaires dans les pays pauvres n’a pas permis de retarder l’âge de la première grossesse ni d’en diminuer le nombre chez les femmes qui le souhaitent. La fécondité atteint donc son taux le plus haut dans les pays les plus pauvres, selon le cercle vicieux : pas d’investissement dans le domaine de la santé (surtout maternelle), donc pas de diminution du nombre d’enfants, donc appauvrissement, donc pas d’investissement. C’est en effet en Afrique et dans quelques rares pays asiatiques que l’on trouve les taux de fécondité les plus élevés du monde : entre 6 et 8 enfants par femme dans plusieurs pays, notamment au Burundi, en Éthiopie, au Malawi, en Somalie, en Ouganda, en Angola, au Burkina, au Mali, au Niger, en Afghanistan, au Yémen… Ces États ne connaissent pas encore la planification familiale, pratiquent très peu les soins de santé maternelle. Les femmes y utilisent très rarement les méthodes contraceptives modernes (1 % à 4 % d’entre elles). Les quelques progrès notables au sud du Sahara ont été enregistrés dans les pays ayant connu une forte croissance économique dans les années soixante-dix et quatre-vingt : les taux de fécondité ont ainsi été fortement réduits au Kenya, à Maurice, au Sénégal et au Ghana.
Le cercle vertueux – amélioration de l’éducation, de la santé, des investissements, de la production, du niveau de vie – a entraîné dans les pays « émergents » d’Asie et du Maghreb une nette baisse de la fécondité. Plus les femmes sont actives, moins elles font d’enfants, plus elles pratiquent une méthode contraceptive moderne (50 % à 60 % des femmes). En Afrique du Nord, le taux de fécondité a été divisé par trois en cinquante ans (8 en 1950 à 2,7 en 2000). En Chine, où 85 % des femmes utilisent la contraception et où le planning familial est une obligation nationale, le taux est égal à celui de l’Europe (1,7).
Parmi les facteurs qui expliquent le retard des pays les plus pauvres : la précocité du mariage et des grossesses des filles de 15 à 19 ans. En Afrique subsaharienne, ce phénomène connaît son paroxysme : le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) – d’où proviennent toutes ces données – dénombre 110 naissances pour 1 000 jeunes filles alors que la moyenne mondiale est de 50 naissances. C’est au Niger, en Ouganda, en Angola et en RD Congo que l’on atteint des records (210 à 230 enfants pour 1 000 filles).
Les pays les moins avancés (PMA) – ceux dont le revenu par habitant est inférieur à 2 dollars par jour – connaîtront donc dans l’avenir les plus importantes progressions de leur population : + 143 % en cinquante ans (de 0,7 milliard à 1,7 milliard entre 2002 et 2050), contre + 40 % dans les autres pays en développement (de 4,3 milliards à 6 milliards). Quant aux pays riches, ils devraient afficher une croissance nulle passant de 1 194 millions en 2003 à 1 220 millions en 2050. La baisse de fécondité se fera sentir fortement en Europe : sa part dans la population mondiale passera de 12 % en 2003 à 7 % en 2050. En Asie, elle diminuera également (de 61 % à 59 %). Elle se stabilisera en Amérique latine (9 %) et Amérique du Nord (5 %). Le seul continent en augmentation est l’Afrique : son poids atteindra 20 % (1,8 milliard) en 2050, contre 13 % (850 millions) aujourd’hui.

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