Inverser la tendance

Hausse des cours des matières premières et réduction de la dette… Le pays reprend espoir.

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

Le pays bénéficie d’une bonne cote, liée à sa stabilité politique. L’élection présidentielle de décembre 2000, qui a porté John Kufuor à la tête du Ghana, en est la preuve. La transition démocratique s’est déroulée sans heurt. Dans le contexte sous-régional marqué par la crise politico-militaire qui sévit en Côte d’Ivoire, le proche et tumultueux voisin, cette stabilité est un atout, qui pourrait attirer ces investisseurs étrangers dont le pays a bien besoin. Les efforts immédiatement entrepris au plan économique par le gouvernement ont, eux aussi, contribué à redorer le blason du Ghana auprès des bailleurs de fonds. Enfin, l’or et le cacao, principales matières premières, connaissent une réelle embellie.
Reste que tout n’est pas rose. Avec un Produit intérieur brut (PIB) par habitant de 290 dollars, le pays se situe bien en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne (470 dollars). La pauvreté touche largement les quelque 20 millions d’habitants du Ghana. Toutefois, l’indice de développement humain (0,556), indicateur élaboré par le Programme des Nations unies pour le développement, y est légèrement supérieur à la moyenne régionale (0,488). Ce qui traduit une amélioration du niveau de vie, sensible dans les zones urbaines.
Pour réduire cette pauvreté, pas d’autre issue qu’une croissance économique forte. Mais la tâche n’est pas facile en raison de la place qu’occupent le cacao, le bois et l’or dans l’économie du pays. Trois produits qui représentent plus des deux tiers des exportations. Si le cacao ne compte que pour 5 % dans le PIB total, il est le deuxième fournisseur de devises après l’or et totalise 23 % des recettes d’exportation. Il constitue également une ressource importante pour l’État par le biais de la fiscalité. Quant au secteur minier, dominé par la production de métal jaune, il contribue à hauteur de 10 % au PIB et représente 38 % des recettes d’exportation. Son chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 800 millions de dollars. Toutefois, le secteur minier a enregistré une forte baisse des investissements au cours des dernières années. De 811 millions de dollars en 1997, ces derniers sont tombés à 231 millions en 2000. En cause, la chute des cours de l’or, mais également une législation minière devenue obsolète.
À partir de 1999, l’effondrement des cours mondiaux de l’or et du cacao – qui a entraîné un manque à gagner de 300 millions de dollars en 1999 et de 600 millions de dollars en 2000 – et la hausse du prix du pétrole – qui a dépassé les 30 dollars le baril en 2000, contre 10 dollars en 1998 – ont eu un impact sévère sur la balance commerciale. D’autant que la crise n’a pas été bien gérée. Les atermoiements des autorités, à l’époque de Jerry Rawlings, face à ce double choc extérieur ont provoqué une dégradation générale de la situation économique qui s’est notamment traduite par un effondrement de la monnaie – le cédi s’est déprécié de 91,5 % en un an face à la monnaie américaine – et une baisse des recettes fiscales. Du coup, l’inflation s’est envolée, passant de 13,8 % en 1999 à 41 % en 2000, de même que les taux d’intérêt, qui ont atteint 45 %. De quoi ralentir l’activité. En 2000, la croissance ne s’est établie qu’à 3,7 %, alors qu’on visait 5 %.
À son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Kufuor s’est appliqué à rétablir les grands équilibres. Dès 2001, l’inflation a été ramenée à un taux annuel de 22 %, soit mieux que l’objectif fixé de 25 %. En 2002, la hausse des prix est estimée à 10 %. Le taux de change s’est stabilisé et les réserves de change se sont progressivement reconstituées. Enfin, le taux de croissance s’est établi à près de 5 %. Le gouvernement a également fait un effort pour redresser les finances publiques. En 2001, le déficit fiscal n’a pas excédé 0,9 % du PIB, contre des prévisions à 2,5 %. Un excédent fiscal de 4 % du PIB a même été dégagé en 2002 et les dépenses publiques ont été contenues. Le déficit commercial n’a pu être résorbé du fait de la stagnation des exportations et de la hausse des importations, essentiellement des hydrocarbures.
L’autre problème est celui de la dette extérieure. En janvier 2001, le nouveau gouvernement a trouvé un endettement de 6,6 milliards de dollars et un service annuel de 250 millions. Un vrai casse-tête. Car la dette représentait 557 % des recettes fiscales et 154 % des exportations. À titre de comparaison, les seuils identifiés comme « soutenables » par le Fonds monétaire international (FMI) sont respectivement de 250 % et 150 %. Devant un tel niveau d’endettement, il fallait agir. Un grand pas a été franchi en décembre 2001 puisque le Ghana est passé devant ses créanciers publics bilatéraux du Club de Paris auxquels il devait quelque 2,2 milliards de dollars. Une première dans l’histoire du pays. Accra a obtenu un rééchelonnement de 119 millions de dollars sur deux ans, et 27 millions de dollars de dette ont été immédiatement annulés. Ce qui a permis de réduire de 122 millions à 38 millions de dollars le service de la dette due au Club.
Par ailleurs, alors que le précédent gouvernement s’y refusait, le Ghana a demandé à bénéficier de l’initiative de réduction de la dette en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE). Il pourrait obtenir un allègement substantiel d’environ 200 millions de dollars par an. Une bouffée d’oxygène en perspective, qui permettrait au Ghana de consacrer davantage de ressources aux secteurs sociaux (santé et éducation). Reste que l’étiquette « PPTE » qui lui sera désormais accolée n’est pas de nature à sécuriser les investisseurs. En 2001, le niveau des investissements s’est contracté pour atteindre 97 millions de dollars, contre 234 millions en 1999. La relance du programme de privatisations, qui porte sur une dizaine d’entreprises d’État, parmi lesquelles la célèbre Cocoa Processing Company (CPC), dont l’État cède 25 % des parts qu’il possède par le biais de la Bourse d’Accra, pourra-t-elle inverser la tendance ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires