Maroc – Mehdi Qotbi : « Abderrahmane Youssoufi était un ardent défenseur de la culture »
Conformément aux dernières volontés de l’ancien Premier ministre, un acte de donation de tous ses biens en faveur de la Fondation nationale des musées a été signé ce 19 juillet à Rabat.
De son vivant, Abderrahmane Youssoufi ne manquait jamais les expositions organisées par la Fondation nationale des Musées (FNM). L’ancien Premier ministre était heureux de voir Van Gogh, Monet, Renoir exposés sur les cimaises d’un musée marocain, à la portée de tous les citoyens, quelle que soit leur condition sociale.
Mais il était également très fier de voir les artistes marocains enfin reconnus à leur juste valeur dans leur propre pays, et pas seulement dans les galeries parisiennes ou new-yorkaises, comme ce fut le cas dans les années 1960-1970 pour des figures comme Mohamed Melehi, Farid Belkahia ou encore Chaibia.
La dernière exposition qu’il a vue aura été « Les couleurs de l’impressionnisme » au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain en 2019. Quelques mois plus tard, le 29 mai 2020, il mourrait, à l’âge de 96 ans.
Mais peu de temps avant sa disparition, celui qui n’a jamais cessé de soutenir la FNM avait pris avec son épouse Hélène une décision totalement inédite dans le landerneau politico-artistique marocain : celle de léguer l’ensemble de leurs biens à cette institution pour encourager les actions en faveur de la culture dans le royaume.
Un acte généreux, qui témoigne de l’engagement d’Abderrahmane Youssoufi pour son pays, même outre-tombe. Explications de Mehdi Qotbi, qui préside la Fondation.
Jeune Afrique : Abderrahmane Youssoufi a donné tout son patrimoine à la FNM, que vous présidez. Comment l’expliquez-vous ?
Mehdi Qotbi : Abderrahmane Youssoufi venait voir toutes les expositions du Musée Mohammed-VI. Il était tellement heureux et fier qu’un tel lieu, réunissant à la fois des œuvres d’artistes marocains contemporains et des chefs-d’œuvres mondiaux existe au Maroc. Voir des toiles de Farid Belkahia ou Mohamed Melehi côtoyer des tableaux impressionnistes de Matisse ou encore des clichés de Malick Sidibé, là, en plein centre de Rabat, à la portée de tous les citoyens marocains sans distinction… c’était comme un rêve qui se réalisait pour Abderrahmane Youssoufi.
En tant qu’homme politique mais aussi en tant qu’amateur d’art, il était convaincu qu’il ne pouvait y avoir de développement véritable sans formation et ouverture des esprits. Il était pour cela très reconnaissant envers le roi Mohammed VI, qui aime énormément la culture, et qui a donné à l’art et aux artistes la place importante qu’ils occupent aujourd’hui au Maroc.
Abderrahmane Youssoufi et son épouse Hélène avaient fait le choix de ne pas avoir de descendance. Il considérait en revanche que tous les Marocains étaient ses enfants. Il a travaillé toute sa vie pour leur bien-être, et il a tenu par cet acte de donation à leur transmettre un peu de lui.
Par ailleurs, il y a dans cet acte qu’il avait mûrement réfléchi et préparé avec sa femme, et dont il avait confié l’exécution à son ami et légataire testamentaire M’barek Bouderka, une forme de fidélité à cet amour de la culture et à cet esprit de formation des jeunes qui animent le souverain, pour lequel Abderrahmane Youssoufi, au-delà du respect dû à sa fonction, avait beaucoup d’estime et d’affection.
En quoi consiste exactement ce patrimoine ?
Il est constitué de l’ensemble des biens accumulés par les deux époux durant les soixante-douze ans qu’aura duré leur union : deux appartements, l’un à Cannes et l’autre à Casablanca, ainsi que tous leurs meubles, des liquidités de comptes bancaires français et marocain, et enfin de deux voitures.
L’ensemble des documents personnels retraçant le parcours politique très riche d’Abderrahmane Youssoufi ira aux Archives
La propriété de l’ensemble de ces biens sera transférée à la FNM après le décès d’Hélène Youssoufi, conformément aux dispositions de l’acte signé ce 19 juillet.
Par ailleurs, l’ensemble des documents personnels retraçant le parcours politique très riche d’Abderrahmane Youssoufi ira aux Archives, afin que les Marocains désireux de mieux connaître son histoire puissent les consulter.
À quoi serviront concrètement ces donations ?
Une fois le travail d’inventaire de l’ensemble des pièces réalisé, nous réfléchirons à la création d’un espace dédié à Abderrahmane Youssoufi. Il pourrait être aménagé dans le bâtiment qui abritait l’ancien état-major de la Marine (qui se trouve en face du Musée Mohammed-VI, à Rabat), et dont l’usage vient d’être octroyé à la Fondation sur instruction du roi.
Cela représente des milliers de mètres carrés, qui vont nous permettre d’agrandir le musée d’Art contemporain, mais aussi de donner naissance à un musée du Continent, de lancer le premier Centre africain de formation pour les métiers du patrimoine, etc.
Par ailleurs, en ce qui concerne les appartements de Cannes et de Casablanca, la réflexion est actuellement en cours pour voir si l’on peut en faire des résidences d’artistes dans l’esprit de ce qu’on voit par exemple à la Villa Médicis à Rome. Quant aux sommes d’argents, elles devraient être consacrées à des bourses de formation pour les jeunes artistes.
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