Accra connection

Les cybercafés et les centres de formation aux nouvelles technologies ouvrent peu à peu. Le gouvernement en a fait une de ses priorités.

Publié le 12 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

«Bonjour Mademoiselle. Vous êtes célibataire ? Vous avez une adresse e-mail ? » Pas de doute, le Ghana, comme ses voisins d’Afrique de l’Ouest, entre doucement dans l’ère numérique. Il n’y a bien sûr pas de quoi s’émerveiller – les start-up ne poussent pas comme des champignons et les connexions par modem sont encore problématiques -, mais le pays compte aujourd’hui deux mille cybercafés, dont trois cents à Accra. Tous proposent l’heure de « surf » à un prix modique, qui varie entre 5 000 et 9 000 cédis (entre 0,5 et 1 euro).
Dans l’antre du Busy Internet, un cybercafé sur la route principale d’Accra, on se croirait en Californie. L’établissement est équipé d’une centaine d’ordinateurs à écran plat, reliés à Internet par satellite. On y trouve également un centre de photocopies et un service d’imprimerie, des salles de formation et, au premier étage, des bureaux à louer pour jeunes entreprises « en incubation ». Il y a même quatre cabines « VIP » où on peut consulter ses e-mails à l’abri des regards. En cette mi-février, l’ambassadrice d’Autriche, qui vient de fuir Abidjan, est en train d’y consulter ses messages.
L’affaire marche bien. Créée en novembre 2001, elle est même probablement le plus grand centre technologique ouvert au public sur le continent. « Nous recevons des personnes de tous horizons : des touristes, des étudiants, des personnes plus âgées », explique le Français Alex Rousselet, l’un des deux fondateurs de Busy Internet. Soixante-cinq employés, presque tous ghanéens, font tourner la machine vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. « Nous disposions pour démarrer d’un budget de 1,7 million d’euros, composé de capitaux presque exclusivement ghanéens. La souplesse de la réglementation, notamment pour l’accès au satellite, et la facilité des démarches administratives nous ont permis d’ouvrir en un mois. » En pratique, l’activité d’incubation d’entreprises constitue le coeur de métier de Busy Internet. Dans les couloirs du premier étage, on croise ainsi de jeunes entrepreneurs fraîchement rentrés des États-Unis ou d’Angleterre, où ils ont poursuivi leurs études.
Internet au Ghana, ce sont vingt mille individus ou entreprises connectés, un million d’utilisateurs, trente-deux fournisseurs d’accès – dont une dizaine seulement techniquement opérationnels -, une trentaine de concepteurs de sites. Ces dernières années, plusieurs centres de formation ont été ouverts dans les grandes villes. Et, une à une, les entreprises de sous-traitance, comme les call centers (« centres d’appels »), s’installent à Accra. Les médecins américains, par exemple, confient la gestion de leur base de données à la société Rising Data. Même chose pour l’entreprise américaine ACS, qui a installé au Ghana la structure qui s’occupe de la base de données des assurances médicales américaines Aetna et Keystone Mercury.
« L’avantage ici, c’est aussi la langue, explique Rousselet. Les francophones ont parfois du mal à trouver des compétences dans leur propre pays. À Accra, on rencontre beaucoup de Béninois, par exemple, dans le milieu des nouvelles technologies. » La capitale accueille par ailleurs régulièrement des conférences internationales sur le sujet, comme l’African IT Exhibition and Conference (Aitec).
Pourtant, les choses ne sont pas toujours faciles. « Il faut faire avec les coupures d’électricité ou de téléphone, le prix de l’eau, la monnaie qui se dévalue », regrette la Ghanéenne Estelle Akofio-Sowah, « manager » de Busy Internet. Le gouvernement se veut conscient de l’importance des nouvelles technologies dans le développement du pays. Dans un discours prononcé le 13 février devant le Parlement, le président John Kufuor les plaçait en cinquième position dans l’ordre des priorités de son administration. Et promettait l’installation de centres de haute technologie en zone rurale. De jeunes étudiants ont d’ailleurs été envoyés en Inde pour être formés. Parallèlement, le ministère de l’Information et des Affaires présidentielles s’est lancé dans une refonte du site Internet du gouvernement : présentation des ministres et des ministères, projets en cours, discours officiels, liens utiles et, bientôt, formulaires administratifs en ligne. Alors, même si dans les campagnes dépourvues de lignes téléphoniques on se demande comment Internet va pouvoir arriver, la révolution numérique est en marche…

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