Quelle voie choisir pour réussir ?

Comment s’orienter ? Quel établissement privilégier ? Faut-il s’expatrier ? Autant de questions que se posent les étudiants maghrébins et subsahariens soucieux de suivre une formation adaptée à leur future carrière. En l’absence de recette miracle, voici

Publié le 11 février 2003 Lecture : 6 minutes.

Avec l’année qui commence arrive bientôt le temps des inscriptions aux concours d’entrée aux grandes écoles, avec son lot d’angoisses et d’incertitudes. Si l’une des clés du succès reste le bachotage, il est nécessaire avant tout de connaître le terrain sur lequel on s’aventure. En un mot, il faut savoir bien s’orienter. La tâche n’est pas simple : rien qu’en France, près de 250 écoles d’ingénieur sont reconnues par l’administration, et il existe une soixantaine d’écoles de commerce. Comme chaque année, des magazines français comme Le Point, L’Expansion ou Le Nouvel Économiste élaborent des classements de ces grandes écoles et des formations qu’elles dispensent, palmarès qui peuvent être utilisés comme autant de balises pour tenter de s’y retrouver dans cette nébuleuse.
Dans le peloton de tête, les hebdomadaires sont unanimes, on retrouve toujours les mêmes écoles : l’École nationale des ponts et chaussées, Polytechnique, Centrale Paris, pour les formations d’ingénieur ; l’École des hautes études commerciales (HEC), l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP) pour les diplômes de commerce. Le prestige de ce type d’établissement se mesure à l’aune de l’innovation de ses techniques pédagogiques, de la qualité de ses enseignants et de son caractère « professionnalisant ». Mais une grande école tire aussi et avant tout sa réputation de sa cotation sur le marché du travail. D’après Le Point, par exemple, un étudiant qui sort de l’Essec met en moyenne un mois avant de trouver un poste (avec un salaire brut annuel de sortie à 45 300 euros) contre deux mois pour HEC 39 630 euros).
Pourtant, en introduction à son classement, Le Point dresse un bilan plutôt négatif de ces grandes écoles qui ont longtemps vécu sur leur image de marque et leur tradition d’excellence. Aujourd’hui, face à la concurrence des grandes écoles américaines et des universités (qui ont le grand avantage d’être gratuites), elles peinent à recruter. Certaines se rapprochent, à l’image du récent mariage de l’École des mines de Paris (1re) avec celle des ponts et chaussées (4e). D’autres choisissent de s’internationaliser et de privilégier le recrutement d’étudiants étrangers. D’après les chiffres communiqués par la Conférence des grandes écoles, association qui regroupe des grandes écoles d’ingénieur et de management, l’évolution est très significative : on est passé de 7 700 étudiants étrangers en 1994, à plus de 16 000 pour l’année 2000-2001, dont une majorité d’étudiants africains (30 %).
La concurrence entre les établissements est telle que le label international est devenu depuis quelques années un argument de marketing. Le choix de l’ouverture a ainsi permis à des écoles de province de se hisser dans le haut du tableau, aux côtés de leurs grandes soeurs parisiennes. À l’exemple de l’école de management Audencia, à Nantes (6e), qui accueille à l’année près de 300 jeunes étrangers, en stage ou dans le cursus général. L’école fait partie du Réseau africain et malgache pour l’excellence en gestion des entreprises (Ramege) créé en juin 2000 à Ouagadougou. L’objectif de ce réseau est de développer les échanges d’expériences et de formation tout en multipliant les partenariats sous l’égide du ministère français des Affaires étrangères. Au total, 32 étudiants africains sont inscrits en formation initiale (cycle ESC), dont 27 maghrébins. Aïssa Dermouche, le directeur de l’établissement, lui-même originaire d’Algérie, qualifie de « devoir personnel » cette politique d’accueil d’étudiants africains : « J’aimerais leur dire à tous : « Portez-vous candidat pour la France ! » Même s’il existe de bonnes formations sur le continent, le séjour à l’étranger leur apporte une ouverture d’esprit. »
Dans un marché extrêmement concurrentiel, l’expérience acquise à l’étranger est alors incontestablement un « plus » sur un CV. Didier Acouetey, directeur d’AfricSearch International, un cabinet de recrutement au service d’une centaine de multinationales implantées en Afrique et de grandes institutions africaines, le résume à sa façon : « Les étudiants formés aux États-Unis ou en Europe ont baigné dans une culture d’entreprise l’on raisonne par objectif et où l’on favorise la culture de la performance. Même si, pour être un bon manageur, il est impératif de bien connaître son environnement, il faut aussi maîtriser des paramètres financiers qui peuvent le faire évoluer. » Pour pourvoir leurs postes de cadres, les multinationales cherchent avant tout des candidats qui maîtrisent parfaitement l’anglais et possèdent une bonne connaissance de l’environnement international. D’autant que beaucoup de postes sont aujourd’hui à pourvoir dans l’import-export. Pour Sonia Haidar, Franco-Libanaise âgée de 25 ans, née à Dakar, le départ a été une « question d’ambition ». Aujourd’hui en fin de cycle à la Sorbonne, en commerce international, elle projette de faire un MBA (Master of Business Administration) aux États-Unis l’année prochaine : « Partir, c’est comme mourir un petit peu. C’est un sacrifice. J’ai dû faire face à de grandes difficultés financières et j’étais loin de mes parents. Mais je ne regrette rien, car c’était la seule façon de réussir. »
Ces réflexions reviennent dans la bouche de tous les candidats en exil : la difficulté à s’adapter à un nouvel environnement, à trouver un logement, parfois même à bien maîtriser le français. Pourtant les résultats sont souvent à la clé. « Ils sont même meilleurs que les Français, remarque un professeur de sciences de l’ingénieur dans une classe préparatoire d’un grand lycée parisien. Très peu restent sur le carreau parce qu’ils sont plus motivés. » À l’exemple de Mehdi, 17 ans, originaire de Casablanca, tous rêvent d’intégrer les Mines ou Centrale : « C’est mon père qui m’a poussé à venir en France et maintenant c’est à moi de faire mes preuves. »
Mais faut-il pour autant s’expatrier à tout prix ? Il est évident que la réponse doit être nuancée. « À l’élève bachelier d’un excellent niveau apte à intégrer Louis-le-Grand ou Harvard, je ne vais pas lui dire de rester ici, explique Amadou Diaw, directeur de l’Institut supérieur de management à Dakar. Mais ce sont des cas exceptionnels. Ce que je déconseille avant tout aux autres, c’est d’intégrer une petite école de commerce parisienne, parce que ça coûte très cher et ça rapporte peu. » Avant de faire des plans sur la comète, mieux vaut donc échafauder un plan de carrière cohérent. Depuis quelques années, des écoles privées de bon niveau se développent en Afrique, et il est parfois préférable de faire son cursus près de sa famille, dans son univers. Rien qu’au Sénégal, 50 établissements privés ont été créés en dix ans. « C’est un mouvement émergent, reconnaît Didier Acouetey, mais de plus en plus d’étudiants qui ont fait tout leur cursus en Afrique peuvent aujourd’hui se positionner sur le marché international. » Le temps où beaucoup de bacheliers recevaient des bourses pour continuer leurs études en France est révolu, et les visas sont souvent des sésames difficiles à décrocher : « Ils le reçoivent la veille ou même le jour du concours… Par rapport aux autres étudiants, ils souffrent d’un stress inutile », remarque Diaw.
Aujourd’hui, plus que jamais, la prime est donnée à l’excellence et à la mobilité après la fin des études. Partant de ce constat, la plupart des écoles de commerce proposent aujourd’hui des MBA, qui permettent de parfaire une formation initiale en management. Il s’agit alors pour les étudiants qui ont effectué toutes leurs études en Afrique de faire une sorte de « mise à jour » en suivant des stages dans des entreprises européennes ou américaines. « Depuis deux ans, le profil idéal est celui d’un étudiant formé localement qui est parti se perfectionner à l’étranger au bout de quatre ou cinq ans d’expérience sur le terrain, remarque Jean-Pierre Kwedi, directeur de ARH International, cabinet de recrutement implanté au Cameroun et au Sénégal. Il a alors toutes les qualités requises : la connaissance des techniques locales et l’ouverture d’esprit. » Une façon de dire que « l’école, c’est pour la vie ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires