Principe de précaution

Publié le 11 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Faire pousser des dents de cochon dans un intestin de rat. Cette « prouesse » biotechnologique apporterait la preuve qu’il existe des cellules souches pour les dents, ce qui permettrait de remplacer celles qui sont tombées ou abîmées à partir de cellules de dents existantes. Il ne se passe pas un mois sans qu’une découverte de ce type ne se produise. La recherche est en pleine effervescence. À mesure que les trouvailles s’enchaînent, les activistes se déchaînent. Les manipulations sur le vivant s’accompagnent toujours d’un cortège de réactions plus ou moins enflammées.
Greenpeace s’oppose, au nom du principe de précaution, à la dissémination d’organismes génétiquement modifiés – les OGM, la plus connue des applications biotechnologiques – dans l’environnement, « car les conséquences à moyen et long terme sont totalement méconnues ». Cette réaction est partagée par beaucoup, qui prônent alors la traçabilité des OGM et leur étiquetage. Le protocole de Carthagène, adopté à Montréal le 29 janvier 2000, consiste d’ailleurs à renforcer la sécurité des échanges d’OGM afin d’assurer une protection accrue de l’environnement, en tenant compte de la santé humaine. Le 27 janvier dernier, les îles Marshall ont ratifié ce texte, portant à 42 le nombre de pays l’ayant fait, sur 103 signataires. En France, cette ratification est, paradoxalement, un succès pour les avocats des biotechnologies. Car il s’agit du premier accord contraignant qui traite à la fois des échanges d’OGM et de la sécurité environnementale. En clair, le protocole de Carthagène annonce la fin imminente du moratoire de l’Union européenne et l’autorisation de refuser ou d’accepter l’importation d’OGM. En juin 1999, l’Union européenne avait en effet adopté un texte suspendant ces cultures jusqu’à la mise en place d’une nouvelle réglementation. Celle-ci, élaborée en avril 2000, et qui devrait bientôt être avalisée, autorise la culture d’organismes génétiquement modifiés avec des précautions renforcées et l’instauration d’un système de vigilance limitant la durée des autorisations à dix ans et imposant l’étiquetage à tous les stades de la commercialisation. Aux États-Unis, où les premières cultures transgéniques ont eu lieu en 1987, les contrôles se pratiquent a posteriori. Ainsi, aucune ségrégation ne peut être effectuée entre les plants génétiquement modifiés et ceux qui ne le sont pas. Pourtant, ce sont ces risques environnementaux que les activistes dénoncent avec le plus de vigueur. Car les conséquences de la culture d’OGM sont encore mal connues. L’introduction d’un gène étranger dans une plante soulève plusieurs questions. Tout d’abord, celle de l’expression de ce gène. On ignore toujours quelles sont les conséquences à long terme de l’ajout d’un gène, emprunté à un organisme, à la structure génétique d’un autre.
Implanter une semence hors de son écosystème peut également entraîner des « problèmes relationnels ». Les OGM, fabriqués pour mieux résister aux attaques des prédateurs, disposeront d’un avantage sélectif sur les autres plantes, qui en souffriront. Des croisements spontanés sont aussi envisageables, les plantes cultivées croisant leurs gènes avec des espèces sauvages apparentées. Un colza transgénique transmettrait son gène de résistance aux herbicides à une mauvaise herbe, qui deviendrait ainsi une « super mauvaise herbe » insensible aux pesticides. Cette pollution génétique est irréversible. D’autres phénomènes doivent être surveillés, comme le risque de réduction de la biodiversité, en conférant à toutes les plantes le même gène. Il convient enfin d’éviter les conséquences néfastes, en aval, pour les consommateurs, dans la mesure où les OGM peuvent multiplier les allergies alimentaires vis-à-vis de produits de consommation courante. Devant autant d’incertitudes, le seul garde-fou reste le principe de précaution. Car lui seul permet de préserver le libre choix du producteur comme du consommateur.

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