Péril en la demeure

Si Charles Taylor vient à bout de la rébellion, il lui faudra ensuite affronter l’opposition non armée. À la loyale, dans les urnes.

Publié le 11 février 2003 Lecture : 3 minutes.

La Côte d’Ivoire n’est pas le seul foyer de tensions en Afrique de l’Ouest. La précipitation avec laquelle Charles Taylor a quitté Addis-Abeba, où il participait au sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (voir p. 50), est venue rappeler que la guerre civile était toujours d’actualité au Liberia. Ce 3 février, les rebelles du Libériens unis pour la reconstruction et la démocratie (Lurd) ont lancé une offensive contre la ville de Tubmanburg, à 60 km au nord-ouest de Monrovia. Le président de ce mouvement, Sekou Damate Conneh, affirmant se trouver dans son quartier général de Voïnjama, près de la frontière guinéenne, menace de marcher sur la capitale et donne une semaine à Charles Taylor pour quitter le pays. Un ultimatum qui ne risque pas d’être entendu par l’ancien chef rebelle, élu en 1997 après avoir mené une des guerres les plus violentes de l’histoire africaine contemporaine.
Ce n’est pas la première fois que les rebelles du Lurd annoncent leur présence aux portes de Monrovia. Il y a exactement un an, le 8 février 2002, Taylor avait dû décréter l’état d’urgence. Les combats entre le Lurd et les forces gouvernementales s’étaient dangereusement rapprochés de la capitale. On se posait beaucoup de questions à l’époque sur les leaders de ce mouvement né dans le comté de Lofa, frontalier de la Guinée et de la Sierra Leone. Aujourd’hui, les choses sont plus claires. Le mouvement a notamment pour vice-président Chayee Doe, jeune frère de l’ancien président Samuel Doe, contre lequel Taylor avait lancé ses troupes en 1990.
Les enjeux du conflit libérien débordent largement les frontières de ce pays. La Guinée de Lansana Conté a été dès le départ accusée par Taylor d’abriter et de soutenir activement la rébellion du Lurd. Un sommet historique avait rassemblé à Rabat les présidents libérien, guinéen et sierra-léonais les 26 et 27 février 2002. Objectif : mettre fin aux déstabilisations croisées entre voisins. Un an après, Taylor est de nouveau menacé. De l’autre côté de la frontière, Conté est fragilisé non pas par une rébellion, mais par la maladie (voir p. 34). La Côte d’Ivoire s’est entre-temps embrasée et Taylor est accusé par Abidjan de complicité avec les rebelles de l’Ouest. À l’appui de cette thèse, la présence de Sam Bockarie, l’ex-commandant du tristement célèbre Front révolutionnaire uni de Sierra Leone (RUF), soutenu à l’époque par Taylor, dans la région contrôlée par les rebelles du Grand Ouest ivoirien. Les combattants du Lurd auraient d’ailleurs profité de l’engagement de nombreuses forces militaires libériennes à l’est du pays et aux frontières de la Côte d’Ivoire pour lancer leur offensive dans le Nord-Ouest, en direction de Monrovia.
En un an, la seule évolution positive dans la région est venue de la Sierra Leone, qui semble avoir retrouvé le chemin de la paix. Mais un nouveau conflit durable au Liberia risque de ramener la région aux sombres années de la décennie quatre-vingt-dix, avec des déplacements massifs de populations. On n’en est pas là, mais, quoi qu’il en soit, pour Taylor les mois à venir sont lourds de menaces. S’il vient à bout du Lurd, il lui faudra affronter ensuite l’opposition non armée lors des élections présidentielle et législatives prévues en octobre. À la loyale, dans les urnes. À moins que les scrutins ne soient reportés… pour cause d’instabilité.

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