Mouton à crédit

Consommation des ménages en hausse et recours massif au prêt bancaire : l’Aïd el-Kébir donne un sérieux coup de fouet à l’économie.

Publié le 11 février 2003 Lecture : 2 minutes.

Partout, dans les villes du royaume, des couteaux de toutes formes et de toutes dimensions s’étalent dans les devantures des magasins, sur les rayonnages des supermarchés et souvent à même les trottoirs. Les marchands de charbon accumulent des stocks imposants, les livreurs de fourrage affluent et, çà et là, des camionnettes bêlantes passent dans les rues, déclenchant les sourires entendus des passants. L’Aïd el-Kébir, la « grande fête » rituelle du sacrifice du mouton, commémorant le geste d’Abraham, approche à grands pas : elle tombe le 12 février. À la radio, entre deux chansons, de nombreux spots publicitaires vantent les mérites de différentes formules de crédit à la consommation. Les banquiers se frottent les mains : les prêts personnels progressent de 25 % à cette période. C’est qu’avec des salaires moyens de 3 000 dirhams (300 euros) par mois, les citadins, qui ont du mal à joindre les deux bouts, ne peuvent se permettre d’acheter un mouton qui coûte entre 1 400 et 4 000 dirhams (140 à 400 euros).
Et pourtant, sacrifier un mouton, plus qu’une obligation religieuse, est une nécessité imposée par la société, très sourcilleuse sur les apparences. Les organismes de crédit usent et abusent de ce trait caractéristique des Marocains. Ainsi un spot radiophonique met-il en scène un père de famille désespéré de ne pouvoir subvenir aux frais de l’Aïd. La solution salvatrice est alors présentée comme une évidence : le prêt bancaire… À Wafasalaf, organisme de crédit, filiale de la Wafabank, on propose, en moyenne, une somme de 5 000 dirhams (500 euros), avec des échéances de remboursement qui vont de trente à soixante-douze mois.
Les Marocains consomment énormément en cette période de fête, principalement du matériel électroménager. Réfrigérateurs et congélateurs ont particulièrement la cote, les revendeurs rivalisant de promotions et autres cadeaux pour attirer les clients. Mais la « fête du Mouton » est aussi une occasion – pour certains, unique dans l’année – de manger de la viande rouge. Les produits carnés restent en effet peu abordables pour la plupart des bourses. Si la quantité de viande rouge consommée annuellement par un Européen, est, d’après la Banque mondiale, de 28 kg, celle d’un Marocain n’excède pas 9 kg, selon les statistiques du ministère de l’Agriculture.
« L’Aïd el-Kébir est à cet égard extrêmement utile, explique Nagib Akesbi, professeur à l’Institut d’agronomie de Rabat. L’abattage massif qu’il occasionne permet de réguler le cheptel ovin, qui, autrement, se renouvellerait trop rapidement par rapport aux quantités consommées. » Près de 5,8 millions de bêtes sont disponibles cette année, pour un volume global de transactions de 7 milliards de dirhams (700 millions d’euros) : la demande sera donc amplement satisfaite, selon le ministère de l’Agriculture, qui a annoncé une augmentation de 10 % du prix du mouton. Avec les pluies bienfaitrices qui se sont abattues, cette saison, sur le pays, voilà de quoi ragaillardir les agriculteurs…

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