Mauvaises raisons

Publié le 11 février 2003 Lecture : 2 minutes.

J’ai de la peine pour un homme de la qualité et de la stature de Colin Powell, le secrétaire d’État américain. Hier, mercredi 5 février, on a pu voir à la télévision cet homme discipliné se faire une obligation de :
– présenter devant le Conseil de sécurité de l’ONU, en réalité devant le monde (pour la propagande et pour prendre date), comme « preuves » de la duplicité de Saddam Hussein, des écoutes téléphoniques, un organigramme d’el-Qaïda, le nom d’un « terroriste » (Abou Moussad Zarkaoui) qui traîne depuis des semaines dans tous les journaux ;
– violer la résolution 1441, qu’il a fait voter à l’unanimité le 8 novembre dernier par ce même Conseil de sécurité et qui l’obligeait, lui, à donner ces informations aux inspecteurs onusiens, ce que son pays s’est abstenu de faire, sans daigner s’en expliquer ;
– plaider pour une guerre qu’il juge au fond de lui-même, comme vous et moi, non nécessaire, parce que ce serait « utiliser un marteau pour tuer une mouche », une guerre qu’il sait malfaisante parce qu’elle tuerait, en plus de la mouche, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, détruirait un pays, introduirait le désordre dans toute une région et, à la fin des fins, donnerait un argument de plus aux terroristes.
Sa prestation et le débat qu’elle a provoqué ne modifieront pas le sentiment de l’opinion publique mondiale, résumé dans le sondage ci-dessous (antérieur à la prestation de Colin Powell, il n’informe que sur l’état de l’opinion dans six pays, mais qui comptent)
Dans les pays du sud de la planète, l’opinion est encore plus tranchée : mieux encore que Powell et son gouvernement, nous savons que Saddam est un affreux, que son régime est épouvantable, qu’il n’a pas complètement désarmé et qu’il tente de dissimuler ce qui lui reste d’armes.
Mais nous savons tout autant, et aucune « démonstration » ne nous fera changer d’avis, que le Saddam d’aujourd’hui n’est plus qu’un vieux tigre édenté.
Son âge, celui de son régime, l’état de son pays, les contrôles auxquels, de mauvaise grâce, il est contraint de se soumettre, rendent absurde la guerre contre son pays, si elle n’a pour objectif que de supprimer un dictateur sur le retour et quelques centaines de ses sbires parce qu’ils constitueraient une menace pour… les États-Unis et pour le monde !
C’est parce que l’objectif réel de George W. Bush et consorts – dont nous savons que ce ne sont pas des idéalistes – n’est pas celui qu’ils déclarent que nul, pas même le respectable Colin Powell, ne parviendra à nous convaincre d’être favorables à « leur » guerre.
En vérité, « ce qu’ils sont parle si fort que nous n’entendons pas ce qu’ils disent… »
Cette invasion de l’Irak, MM. Bush et consorts vont l’entreprendre, même s’ils n’ont pas réussi à convaincre l’opinion, et, bénéficiant des multiples complicités que leur donne leur puissance du moment, ils vont la réussir.
Ils n’auront pas pour autant raison, mais on ne s’en apercevra que dans deux ou trois ans.

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