Marcoussis est ivoirien

Publié le 11 février 2003 Lecture : 2 minutes.

J’étais à Marcoussis comme observateur. Cette rencontre a reposé sur le choix de l’impartialité : les Ivoiriens ont été appelés à discuter et à trouver « leurs » solutions. Il serait naïf de croire qu’il suffisait d’un « conclave » pour leur imposer quoi que ce soit ou leur offrir des solutions de compromis sans qu’ils en soient convaincus. Marcoussis est un accord ivoirien, et les Ivoiriens en portent la responsabilité. Pour arriver à sa conclusion, il a fallu beaucoup de patience et de palabres. En ce sens, c’est un accord africain où la France (et, on espère, l’Europe) se porte garante. Un garant s’implique, mais n’est pas partie prenante.
La crise ivoirienne est ancienne. Elle plonge ses racines dans un passé lointain, dès l’indépendance, dans la structure économique du pays, la crise des matières premières agricoles, la composition ethnique et sociale, la division du travail, la mauvaise gouvernance, les contradictions de la démocratisation et de la politique d’exclusion. À Marcoussis, j’ai vu qu’il était possible que les Ivoiriens s’entendent pour préserver l’unité de leur pays et reconstruire une cohabitation civile, fracturée par d’innombrables erreurs politiques cumulées.

Le choix de Marcoussis a été de ne donner raison à personne, mais d’écouter les raisons de tous, afin de faciliter une solution honorable et consensuelle. Pour cela, tous les tabous – de l’Histoire, du présent, de la violence, des lois, de la Constitution, de l’ivoirité, etc. – ont été brisés. L’accord n’a délaissé aucune question : on y trouve des solutions meilleures et d’autres plus fragiles, mais tout a été abordé. C’est pourquoi, quoi qu’il advienne, le contenu et l’esprit de l’accord de Marcoussis restera incontournable.
Mais, pour arriver à la paix, il faut partager le pouvoir. C’est une autre responsabilité entièrement ivoirienne. Et c’est à ce stade que des difficultés se posent maintenant, avec le partage des portefeuilles ministériels – décidé non à Marcoussis, mais au sommet des chefs d’État. À Abidjan, d’aucuns refusent aux rebelles les ministères de la Défense et de l’Intérieur. Or cette décision a été prise par les Ivoiriens, avec le soutien des autres chefs d’État présents à Paris. Tout remettre en discussion maintenant amènerait la dissolution des efforts accomplis et la reprise de la guerre. Ce serait la fin de la Côte d’Ivoire que nous avons connue et que nous aimons.
Un compromis est toujours difficile à accepter ; le partage du pouvoir aussi. Mais c’est la seule voie pour éviter une guerre qui, « mère de toutes les pauvretés », ferait perdre tout à tout le monde. Et qui repasserait forcément un jour ou l’autre par une négociation, encore plus difficile et moins avantageuse pour tous.

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Mario Giro, responsable des relations internationales de la communauté de Sant’Egidio

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