L’ONU en père Fouettard

Dans un rapport détaillé, les Nations unies dénoncent les atteintes et manquements aux droits de l’homme dont les populations sont victimes.

Publié le 11 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Les escadrons de la mort en Côte d’Ivoire seraient constitués d’éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d’une milice tribale de l’ethnie – bétée – du président Laurent Gbagbo », affirme le rapport de la « mission d’établissement des faits » de l’ONU effectuée en Côte d’Ivoire, du 23 au 29 décembre 2002.
Conduite par le haut-commissaire adjoint aux droits de l’homme Bertrand Ramcharan, la mission était composée de deux spécialistes des droits de l’homme, d’un conseiller à la sécurité, d’un expert légiste et d’un assistant administratif. Si la taille de l’équipe et la durée de son séjour en Côte d’Ivoire peuvent paraître restreintes pour établir des faits d’une telle gravité, ses méthodes d’investigation n’en sont pas moins fiables. Elle a mené une enquête auprès de différentes sources. Ce qui l’a conduite à interroger des personnalités du régime – avec, en tête, Laurent Gbagbo lui-même et les membres de son gouvernement -, les dirigeants du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), les représentants des organisations de défense des droits de l’homme, des membres de la société civile, les responsables religieux (chrétiens et musulmans), les agents locaux des Nations unies, le corps diplomatique accrédité à Abidjan et le personnel militaire.
Au bout de ce travail également entrepris dans de nombreuses localités, notamment à Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké et Daloa, un rapport en 154 points qui aborde beaucoup d’aspects de la souffrance humaine induite par le conflit ivoirien : la situation humanitaire (problème des réfugiés et des personnes déplacées), les violations du droit à la vie (exécutions sommaires, escadrons de la mort, charniers), les arrestations et détentions arbitraires, les disparitions, la torture, les mauvais traitements infligés aux enfants, les atteintes aux libertés d’expression et d’opinion, les destructions de biens publics et privés…
Sur une trentaine de pages (texte principal + annexes), le rapport est entièrement inspiré par des témoignages. Paris et les responsables du Rassemblement des républicains en exil demandent avec insistance que ce document soit largement diffusé. Il l’est d’ores et déjà, à l’exception des annexes, que seule l’ONU détient. À en croire certaines sources autorisées, il contient les noms de personnes très proches du pouvoir d’Abidjan. Celles-ci seraient impliquées dans les crimes des escadrons de la mort et autres graves exactions contre les libertés fondamentales et le droit humanitaire. Sur la liste figureraient, entre autres, le capitaine de gendarmerie Séka Séka Yapo, aide de camp de l’épouse du chef de l’État, Simone Gbagbo, et Patrice Bahi, un des responsables de la sécurité personnelle de Laurent Gbagbo.
Pour conclure l’étude, l’ONU fait des recommandations qui ont inspiré une bonne partie de l’accord signé à Linas-Marcoussis, le 24 janvier : la traduction en justice des auteurs des violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire ainsi que des membres des escadrons de la mort ; la création d’une commission nationale des droits de l’homme…
Si le rapport épingle également le MPCI pour des exactions commises dans la zone qu’il contrôle (viols, meurtres, pillages…), il incrimine principalement le pouvoir de Laurent Gbagbo. Et constitue, sans nul doute, le plus important revers diplomatique d’Abidjan depuis le début de la crise.
Le rapport a, en toile de fond, beaucoup joué contre les réserves, pourtant pas toutes illégitimes, soulevées par Abidjan lors de la réunion du 4 février du Conseil de sécurité qui a entériné, à l’unanimité, l’intégralité de l’accord de Marcoussis.
La question la plus sensible soulevée par la mission de l’ONU – les escadrons de la mort – en interpelle plus d’un par les graves inquiétudes qu’elle soulève. J.A.I. vous livrera, dans l’une de ses toutes prochaines éditions, l’enquête que nous avons menée sur le sujet.

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