Bénin : décès de Rosine Soglo, ex-première dame devenue femme politique de premier plan
L’ancienne épouse de Nicéphore Soglo, qui a présidé le Bénin de 1991 à 1996, est décédée ce 25 juillet à Cotonou. Elle avait 87 ans.
Rosine Soglo, de son vrai nom Rose-Marie Honorine Vieyra, est décédée ce dimanche 25 juillet à l’âge de 87 ans dans sa résidence de Cotonou.
L’ancienne première dame avait été admise dans une clinique de Cotonou spécialisée dans les soins cardiovasculaires il y a plusieurs jours. Son état de santé s’était stabilisé, et même amélioré en fin de semaine, avant de se dégrader rapidement dans la matinée ce dimanche, selon une source proche de la famille contactée par Jeune Afrique. Elle a alors souhaité être ramenée chez elle, où elle s’est éteinte.
« Le Bénin perd une femme battante et combattante », a réagi le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léonce Houngbedji. « Nous garderons d’elle l’image d’une femme brave et exceptionnelle », a déclaré pour sa part Patrice Talon, dans la soirée, qui a présenté ses « condoléances attristées » à la famille Soglo, avec laquelle il entretient pourtant des relations politiques pour le moins tendues. À maintes reprises depuis l’élection de ce dernier à la présidence de la République, Rosine Soglo avait en effet tenu des propos très durs envers le chef de l’État.
Voix forte
Épouse de président, Rosine Soglo aura été beaucoup plus que cela. Avant que son mari n’accède à la magistrature suprême, pendant son mandat et longtemps après la fin de celui-ci, elle a, plusieurs décennies durant, été l’une des voix les plus fortes de la scène politique béninoise. Elle en aura aussi été l’une des principales actrices, tant son poids politique était important.
Elle se forge une image de stratège politique de haut vol
Issue d’une famille aisée de la communauté afro-brésilienne installée à Ouidah, elle a rencontré son époux en France, à l’adolescence. Ils se marient en 1958. Tandis que Nicéphore Soglo intègre l’École nationale d’administration (ENA), Rosine Soglo suit des études de droit.
Au début des années 1960, Nicéphore Soglo est nommé ministre de l’Économie du général Christophe Soglo, qui dirige alors le pays. Mais le coup d’État de 1972 mené par Mathieu Kerekou pousse le couple à l’exil. Ils ne reviendront à Cotonou qu’à la faveur de la conférence nationale de 1990.
Quand Nicéphore Soglo est élu président, en 1991, son épouse, alors âgée de 58 ans, n’a aucun passé militant. Mais au cours de la campagne présidentielle, la santé fragile de son mari la pousse à monter en première ligne.
Celui-ci élu, elle prendra une place prépondérante et ne se cantonnera pas au seul rôle de représentation traditionnellement dévolu aux femmes de chefs d’État. Sur le plan international, d’abord, où elle accompagne le président dans tous ses voyages officiels. Sur le plan de la politique intérieure, aussi, où elle se forge une image de stratège politique de haut vol.
Patronne incontestée
C’est elle qui, en mars 1992, portera sur les fonts baptismaux la Renaissance du Bénin (RB), dont elle devient la patronne incontestée. Le parti, créé pour soutenir son mari qui manque cruellement d’appuis au sein de la classe politique béninoise, remportera 20 des 83 sièges de l’Assemblée lors des législatives de 1995. Un chiffre qui peut sembler faible mais qui, à une époque où le nombre de formations était pléthorique, en fait le premier parti au Parlement.
Après la cinglante défaite de Nicéphore Soglo à la présidentielle de 1996, et le retour au pouvoir par les urnes de l’ancien président marxiste Mathieu Kerekou, le RB restera l’une des principales forces politiques du pays. En 1999, le parti, qu’elle dirige d’une main de fer avec son mari, parviendra même à rafler un tiers des sièges à l’Assemblée.
Élue député, Rosine Soglo ne manquera pas une occasion de faire entendre sa voix au sein du vieux bâtiment colonial qui héberge le Parlement. Elle y siégera jusqu’en 2019.
« Entreprise politique familiale »
« La politique a été pour moi un hasard, une nécessité, un mode de vie pour mettre à distance la vraie vie, pour donner un peu de bonheur individuel aussi », glissait-elle en 2003 dans un discours prononcé en marge de l’élection du président de l’Assemblée nationale. Une humilité affichée qui cache mal la femme politique sans complexe qu’elle pouvait être.
Depuis la résidence familiale de la Haie Vive, à Cotonou, ville dont son mari est devenu le maire après avoir quitté le palais de la Marina, Rosine Soglo est à la manœuvre sur le champ de bataille politique. Au service de son ancien président d’époux, mais aussi de ses fils : Léhady, qui succèdera à son père à la mairie de Cotonou en 2015, et Ganiou, qui sera député et ministre.
Cette « entreprise politique familiale » vaut de nombreuses critiques à la famille Soglo, régulièrement accusée de vouloir fonder une dynastie. Au sein de la famille, cependant, l’ambiance n’est pas toujours au beau fixe. Nicéphore Soglo aura par exemple des mots très durs à l’encontre de son fils Léhady.
Ce dernier, étoile montante de la politique béninoise sous Thomas Boni Yayi, connaît une chute brutale après l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon. Accusé d’abus de fonction, il perdra son poste de maire de Cotonou sur décision du conseil des ministres en 2017.
Depuis, il vit en exil en France, et a été condamné par contumace à dix ans de prison ferme par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Il n’a pu être au chevet de sa mère dans ses derniers instants.
Ganiou Soglo, en revanche, était bien à Cotonou. Candidat à la présidentielle d’avril dernier, il avait été la cible d’une attaque par balles, début février, alors qu’il revenait d’un meeting. Touché au torse, il avait été évacué en France pour y être soigné. Il était, depuis, revenu dans son pays. Pendant toute la semaine qui a précédé le décès de sa mère, il a pu être à ses côtés.
Quant à l’ancien président Nicéphore Soglo, âgé de 87 ans, il est actuellement en France, à Paris, pour raisons médicales.
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