Sénégal : Kibily Touré choisit les Canadiens pour relancer Dakar-Bamako
Après l’échec d’un projet binational avec le Mali, ce technocrate ambitieux proche de Macky Sall a été nommé patron de la Compagnie ferroviaire du Sénégal. Il a noué un accord avec la Corporation commerciale canadienne pour structurer un plan d’investissement de deux milliards de dollars visant à reconstruire la partie sénégalaise du rail de l’axe entre les deux capitales ouest-africaines.
Logistique : accélérer le désenclavement
Alors que le rail est l’un des moyens les plus efficaces et économiques pour désenclaver l’hinterland, la plupart des projets ferroviaires sont à la peine en Afrique de l’ouest et centrale. Mais les investisseurs commencent à s’inspirer de l’ONCF marocain qui a fait du fret l’un des leviers de son développement grâce à une solide interconnexion rail-route-port.
Appelé en octobre 2018 par le président Macky Sall pour ranimer la ligne Dakar-Bamako, où aucun investissement massif n’a été fait depuis près d’un siècle, Kibily Touré – fils du sénateur Souty Touré – a vite mesuré la difficulté de sa mission.
« En deux ans et demi, j’en suis à mon septième ministre de tutelle au Mali. L’instabilité gouvernementale et les problèmes de sécurité ont empêché le projet de partir sur de bons rails », déplore ce technocrate formé en France et passé par le Quai d’Orsay. Constatant des divergences de vue avec la partie malienne, mais aussi un désaccord de fond avec la Banque mondiale, bailleur de fonds du projet, qui souhaitait une rénovation du chemin de fer, et non une reconstruction, le Sénégal a laissé de côté l’initiative commune pour se concentrer sur la modernisation de son propre réseau.
Soit les gens libèrent les terrains, soit ils doivent payer
Sortir le rail de l’ornière
À la mi-2020, Kibily Touré a été nommé par décret à la tête de la toute nouvelle société nationale les Chemins de fer du Sénégal (CFS) avec pour mandat de sortir le rail de l’ornière. Placé sous la double tutelle du ministère des Infrastructures et du ministère des Finances, le natif de Tambacounda a récupéré les rênes d’une CFS à laquelle la présidence a rendu tous les domaines historiquement affectés aux activités ferroviaires. Des terrains parfois squattés, que Kibily Touré a réclamés. « Soit les gens les libèrent, soit ils doivent payer. J’avais 24 hectares à récupérer sur le port de Dakar, 16 ha m’ont déjà été restitués, le reste doit suivre », indique-t-il.
Bénéficiant de la confiance de Macky Sall, Kibily Touré a pu partir à la recherche d’un nouveau partenaire financier. À la fin de juin 2021, la CFS a trouvé un accord de principe avec la Corporation commerciale canadienne (CCC), validé par Dakar et Ottawa.
Le chantier pourrait commencer dès septembre 2022 et durer quatre ans et demi
Cette société d’État chargée de développer le commerce extérieur canadien travaille actuellement avec Kibily Touré pour structurer un plan d’investissement de 3 milliards de dollars afin de construire une nouvelle double voie de 656 kilomètres entre Dakar et Tambacounda ainsi que 194 kilomètres de bretelles pour rejoindre les sites miniers et industriels. Encouragé par les annonces récentes du G7, qui entend contrer l’offensive chinoise sur le continent dans les infrastructures, Kibily Touré estime pouvoir réunir ce montant. L’endettement sera porté par une société d’exploitation contrôlée par l’État sénégalais et dont le capital sera ouvert à d’autres partenaires, à commencer par CCC.
La ligne, dont le chantier pourrait commencer dès septembre 2022 et durer quatre ans et demi, reliera le port de Dakar, mais aussi ceux – pas encore opérationnels – de Bargny-Sendou et de Ndayane. C’est la société canadienne de construction Aecon qui sera chargée de la principale tranche de travaux.
Objectif : 30 millions de marchandises par an
L’équilibre financier du projet, calculé sur trente ans, repose sur la capacité des Sénégalais à remplir leurs convois de marchandises, « jusqu’à 30 millions de tonnes par an », espère Kibily Touré. Actuellement, 18 millions de tonnes arrivent par la mer à Dakar, et près 3 millions de tonnes de minerais sont acheminées par le rail au port de Dakar depuis les mines de Grande Côte Opérations (GCO), filiale d’Eramet, et des Industries chimiques du Sénégal (ICS) pour être exportées. De larges concertations avec les acteurs industriels doivent permettre d’augmenter le volume de marchandises transportables.
Mais comme l’achèvement du chantier promet d’être long, l’État a en parallèle alloué un budget de 15 millions d’euros à la CFS pour assurer la réfection de la vieille ligne entre Thiès et Tambacounda. Les travaux de réhabilitation, réalisés en interne à moindre coût, permettront, dans l’attente de voies aux normes internationales construites par Aecon, de reprendre l’acheminement jusqu’à Tambacounda des 4 millions de tonnes de marchandises qui partent annuellement par camion de la capitale vers le Mali.
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Logistique : accélérer le désenclavement
Alors que le rail est l’un des moyens les plus efficaces et économiques pour désenclaver l’hinterland, la plupart des projets ferroviaires sont à la peine en Afrique de l’ouest et centrale. Mais les investisseurs commencent à s’inspirer de l’ONCF marocain qui a fait du fret l’un des leviers de son développement grâce à une solide interconnexion rail-route-port.
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