Cameroun : Amadou Vamoulké, le procès sans fin
Incarcéré depuis cinq années, le journaliste Amadou Vamoulké ne cesse de battre son propre record du nombre de reports de procès. Comme ce lundi 26 juillet, à l’issue d’une 74e audience…
Certes, le temps de la justice n’a pas vocation à être celui de l’opinion bouillonnante des réseaux sociaux, ni celui des calendriers politiciens. Mais la lenteur de certaines procédures judiciaires tend tout de même à ressembler à un patinage orchestré, notamment lorsque le profil de l’inculpé suscite un doute sur la déconnexion effective des influences politiciennes.
Lundi 26 juillet, le cinquième anniversaire de la mise en détention provisoire d’Amadou Vamoulké illustrait le concept de « provisoire qui dure ». En septembre 2019, déjà, l’ex-directeur de la radio-télévision publique camerounaise entrait dans les annales de l’histoire de son pays, au moment où son procès était reporté pour la 68e fois…
En ce lundi de fin juillet se tenait la 74e audience du dossier, sans qu’aucune condamnation n’ait été prononcée par la justice. Le Tribunal criminel spécial de Yaoundé accuse pourtant le journaliste de détournement de près de six millions d’euros, un comble pour celui que l’on surnommait « Monsieur Propre ». Lundi, rendez-vous fut simplement pris pour le 24 août prochain…
Ancien pilier du système Biya
Pour les militants des droits humains qui ont fait de ce dossier le symbole de la lutte pour la défense des droits des journalistes à travers le monde, la lenteur de la justice camerounaise est d’autant plus suspecte que l’accusé est un ancien pilier du système Biya. Ses avocats affirment que la vacuité des éléments d’enquête – preuves comme témoignages – confère à la procédure des allures de cabale judiciaire.
La guerre des nerfs actuelle serait également dangereuse, car la santé du prisonnier septuagénaire est considérée comme fragile. Depuis des mois, les conseils d’Amadou Vamoulké demandent une mise en liberté provisoire pour des besoins de biopsie. Des professeurs de l’université de Yaoundé certifient que le « Doyen », atteint d’une maladie neurologique, risque une amputation des membres inférieurs.
Parfois à double tranchant – lorsqu’est brandie l’indépendance sacrée de la justice – la mobilisation internationale est ici conséquente, de l’ONU aux gouvernements français et américain, en passant par de nombreuses organisations internationales. Évoquant une détention sans « base légale », ils demandent au gouvernement camerounais sa libération au plus vite. En 2021, le Cameroun a reculé d’une place – 135e sur 180 pays – au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. De quoi empêcher le régime de dormir ? Pas sûr…
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