Dialogue orageux

La table ronde censée réconcilier tous les fils du pays devrait se tenir en mars. Parmi les préalables posés par les opposants, le départ des forces étrangères.

Publié le 11 février 2003 Lecture : 4 minutes.

C’est devenu une véritable mode… Après la réunion des forces politiques congolaises à Pretoria en décembre 2002, après les négociations ivoiriennes de Marcoussis en janvier dernier, voilà que s’annonce le dialogue national centrafricain. Cette table ronde censée réconcilier les fils de la Centrafrique devrait – « si tout se passe bien » – se tenir en mars, estime le porte-parole du gouvernement, Gabriel Jean-Édouard Koyambounou. Après avoir essuyé plusieurs tentatives de coup d’État entre mai 2001 et octobre 2002, le pays est aujourd’hui miné par une rébellion dirigée par l’ancien chef d’état-major François Bozizé, qui contrôle une large part du territoire national.
Pour l’heure, ce dialogue n’en est qu’au stade des préparatifs. Du côté du régime, on a clairement annoncé la couleur. « On ne va pas au dialogue pour être rigide. Il faudra faire des concessions de part et d’autre. Mais tout s’inscrira dans la légalité constitutionnelle », indique le gouvernement pour rejeter l’idée d’une amnistie préalable au dialogue : « L’amnistie, en principe, c’est à la fin. C’est le dialogue national qui décidera. »
Nommés coordonnateurs de ce dialogue, l’évêque de Bossangoa, Mgr Paulin Pomodimo, et l’ancien Premier ministre Henri Maïdou se sont rendus début février à Libreville, où ils se sont entretenus avec le président gabonais Omar Bongo, médiateur dans la crise politico-militaire centrafricaine au nom de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Après une brève escale à Bangui, les deux hommes ont repris leur bâton de pèlerin pour la France et les États-Unis. À Paris, ils doivent notamment rencontrer les « Centrafricains de l’extérieur », pudique appellation des opposants en exil, ainsi que le général François Bozizé. Ils se rendront ensuite à New York et à Washington, où ils seront reçus aux Nations unies ainsi que par des représentants des institutions de Bretton Woods. Là, ils tenteront de lever les fonds nécessaires (750 millions de F CFA) à l’organisation de cette table ronde.
Si le dialogue échoue, la Centrafrique connaîtra « un bain de sang sans précédent », estime Mgr Pomodimo. Malgré les efforts déployés, la tenue de la table ronde reste pourtant hypothétique. Même si la question de l’amnistie préalable a été « réglée » par le gouvernement, on imagine mal des opposants, qui sont sous le coup de condamnations à mort par contumace, se rendre à Bangui en toute sérénité et sans autre forme de garantie pour leur sécurité. À moins que le dialogue ne se tienne dans une autre capitale, option que semble privilégier en majorité l’opposition intérieure et extérieure. Mais Ange-Félix Patassé, lui, préférerait « jouer à domicile ».
Autre préalable que réclament les mouvements regroupés au sein de la Coordination des partis politiques de l’opposition (CPPO) : le retrait de toutes les forces étrangères non conventionnelles du pays, ce qui ne semble pas du tout d’actualité. Outre les belligérants déclarés – Forces armées centrafricaines et soldats pro-Bozizé -, un contingent de trois cent cinquante hommes de la Cemac s’est déployé pour remplir une mission d’observation et assurer la sécurité du chef de l’État. Mais, sur le terrain, les groupes armés se multiplient.
Côté rebelles, on trouve des « Codos », ex-rebelles tchadiens, qui furent un temps enrôlés dans l’armée centrafricaine, voire dans l’Unité de sécurité présidentielle, qu’ils ont abandonnées pour rejoindre le maquis. Côté gouvernemental, les Faca ont reçu le soutien des rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, venus prêter main forte au régime lors de la dernière tentative de putsch, à la fin d’octobre 2002. Si Bemba a annoncé le rapatriement de ses troupes à partir de la mi-février, environ trois cents nouveaux miliciens congolais et rwandais seraient arrivés le 4 février à Bangui à bord d’Antonov, a indiqué l’AFP. Ces troupes fraîches – et parfois très jeunes – auraient pour mission de préserver l’axe menant de Bangui à la frontière camerounaise, un moment menacé par la rébellion. Cet axe, vital pour l’approvisionnement de la capitale, semble préservé. Mais le pays est actuellement coupé en deux.
Visiblement très inquiet, Ange-Félix Patassé n’a pas hésité à réclamer à Paris des renforts français en Centrafrique pour permettre la préparation du dialogue national. « Il y a des soldats français en Côte d’Ivoire. Pourquoi pas en RCA ? C’est une discrimination », a ajouté le chef de l’État. Rappelons que l’armée française a quitté définitivement la Centrafrique en 1998, après trois mutineries militaires…
Voyant Patassé tenter un audacieux parallèle entre la Centrafrique et la Côte d’Ivoire, l’opposition s’est aussitôt engouffrée dans la brèche. Balayant d’un revers de main un dialogue qu’ils condamnent par avance, certains de ses membres demandent un véritable « Marcoussis centrafricain », avec la complète remise à plat des problèmes qui minent le pays. Sous l’arbitrage de la communauté internationale. Reste à savoir si Patassé serait prêt à prendre un tel risque.

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